La citation du jour

Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche



19 décembre 2010

14 décembre En route vers Ras El Ajdir, la frontière, au Nord. Bitume

14 décembre En route vers Ras El Ajdir, la frontière, au Nord. Bitume

Petit déjeuner à l’hôtel où des clients libyens ont mis la télé à donf, cela décoiffe le matin. Re-visite du grenier collectif, dont j’avais vu des constructions très semblables au Maroc, appelées Agadir en Berbère.
Nous partons voir une curiosité appelée la Route Magnétique. Il doit s’agir d’une illusion d’optique où les voitures au point mort semblent monter une côte.

Un type s’arrête avec une voiture délabrée et entreprend de nous faire une démonstration de ce que la science libyenne a produit de meilleur : la propulsion magnétique. Il met sa voiture au point mort et ajoute les warnings pour mettre un peu de gaieté.
Oh, miracle, sa voiture recule. 

Tu parles, on ne s’y attendait pas du tout, c’est pathétique. Ce qui serait vraiment marrant, ce serait que sa bagnole verse dans le fossé pendant qu’il est là à nous faire la démonstration.
Cette portion de route, c’est surtout un attrape-couillon, dont les bas-côtés sont jonchés d’ordures. Personnellement, je vois la pente de la route, donc, aucun mystère et je conseille d’éviter le détour de plus de 60 km. Pas de photo de cette couillonnade.

Arrivé à la frontière, je quitte le groupe qui poursuit par la Tunisie, la Méditerranée et Gênes. Un avion devrait Inch’Allah me transporter jusqu’à la maison à Casablanca.



Adieu, cher lecteur anonyme, ici s’arrête ce blog. Bravo pour ta patience, si tu es arrivé jusque là. En résumé pour que ces raids soient réussis, il faut :

  • Une voiture bien équipée, 150 chevaux  minimum, sinon tintin les dunes. Merci M. Toyota
  • Un matériel de camping complet, tentes Quechua et lits de toiles plutôt que des matelas pneumatiques qui ne résisteront pas au terrain.
  • Beaucoup de sopalin pour la vaisselle et le nettoyage, un rouleau par jour.
  • 12 jerry-cans de 20 litres. Les réservoirs auxiliaires que possèdent les autres véhicules,se sont révélés pour la plupart difficiles à remplir.
  • Une bonne organisation intérieure du véhicule,
  • Beaucoup de préparation sur la carte,
  • Des plats cuisinés pour limiter le temps en cuisine et les vins fins appropriés. Le rosé voyage très bien.
  • Un PC costaud équipé avec oziexplorer et pourquoi pas un disque dur auxiliaire pour stocker les photos. Picasa permet une organisation des photos très rationnelle et des possibilités de retouches simples et performantes. Les photos sont souvent sur exposées et une accentuation des contrastes améliore leur lisibilité.
  • Un écran GPS de 7 pouces équipé avec ozice. Je n’ai que des louanges a adresser à mon Mio, acheté 180 euros sur ebay. Les cartes satellites, téléchargées sur le site surles pistes.fr, se sont révélées une aide irremplaçable pour éviter les passages de dunes difficiles.
  • Une puce GSM libyenne achetée sous le manteau pour communiquer avec l’étranger et réduire sa facture. Bien penser à désim-locker le téléphone.
  • Une radio VHF, aux performances bien supérieures à la CB.
  • Un ipod avec un transmetteur FM pour la musique ou les podcasts bien utiles pendant les transits pépères.
  • Le plus important : de la tolérance pour que la cohésion du groupe se maintienne pendant 40 jours. Les grandes gueules qui commencent à éructer par mail avant le départ, à affirmer leurs convictions péremptoires et leur science du désert devraient plutôt voyager seuls. Il est utile que soit représentées des compétences variées : mécanique, informatique, navigation, pilotage.
  • Un guide de bon niveau et je tire mon chapeau à Ali Cuba pour son savoir, sa patience, sa parfaite organisation et sa gentillesse.
  • Beaucoup d’humour pour bien profiter de ces 40 jours.

Adieu chère Libye, on se reverra.

13 décembre Bitume. Crochet par Kabao

13 décembre En route au Nord. Bitume. Crochet par Kabao

J’avoue que le lendemain matin, je sèche la visite de la vieille ville de Ghadamès qui est inoccupée et dont les quelques gardiens de maison prélèvent un péage pour faire visiter l’intérieur. Cela sent le piège à touristes

Nous repartons vers le nord et par la route des écoliers, en direction de la frontière Libyo-Tunisienne. Seule curiosité pour les amateurs de vieux véhicules que nous sommes, un châssis à 4 roues de canon anti-aérien soviétique meurt de tristesse dans le parking d’une station-service.
Il est loin de son Moscou natal où il a vu le jour, en 1981, comme en témoigne la plaque de constructeur.

En France, ce sont plutôt les chiens que l’on abandonne le long des routes et beaucoup plus rarement les canons anti-aériens, mais je peux me tromper. Il est vrai que les chiens sont rares en Libye.

Nous arrivons à Kabao, dans un hôtel assez sympa où certains d’entre nous choisissent de passer la nuit. Le thermomètre viendra tutoyer les 0°C dehors. Bâti dans une ville abandonnée toute en pierre sèche, l’hôtel de l’extérieur s’intègre bien dans le paysage. Un splendide grenier collectif bien restauré mérite le détour.

L’architecture intérieure, contient des petites alvéoles accessibles par des échelles et où étaient stockées les réserves de grains.

Pour la petite histoire, on trouve les mêmes en Tunisie à Tataouine, notamment et l’un des films de la « Guerre des Etoiles » a été tourné à Tataouine. De mémoire, je crois que Georges Lucas, a donné le nom de Taouine à la planète où se déroule l’un des épisodes, le numéro IV peut être, celui où se déroule une course façon Ben-Hur galactique.

12 décembre En route vers Ghadames. Froid et caillasses.

12 décembre En route vers Ghadames. Froid et caillasses.

Au matin, le thermomètre marque deux degrés Celsius. Waow.
Ma combinaison de ski qui me fait ressembler à un éboueur au travail est la bienvenue complétée par les gants fourrés. Les autres rigolent moins de mon déguisement, trop occupés à claquer des dents.

Après le départ, nous croisons un troupeau de chameaux, proches d’un puit. Les guides proposent d’attraper une chamelle, avec l’accord du berger, pour la traire (cela se dit ?). La majorité d’entre nous sont peu enthousiastes à l’idée de perdre du temps dans le froid pour boire 3 gorgées de lait, et nous laissons les chamelles tranquilles.
Au bout de deux heures, changement de conducteur. Pause déjeuner dans le chantier et la maison Franck et Brigitte offre le café. Pas de photo aujourd’hui.

La piste continue jusqu’à Ghadames, à la frontière Libyo-Algéro-Tunisienne toujours aussi sale et fatigante. Nous trouvons un petit hôtel et c’est reparti pour 2 heures d’entretien de la monture : changement des roues arrières par des neuves, soudure électrique des marches-pieds qui brinqueballent. Même pas le temps de prendre une douche avant d’aller dans un petit restau sans prétention mais dont les toilettes pourraient prétendre à l’oscar de la saleté.
Nous sommes vannés, c’est l’heure d’ouvrir les vannes de la douche.

11 décembre En route vers Ghadames. Dunes, crevaison et froid

11 décembre En route vers Ghadames. Dunes, crevaison et froid

Il nous reste 360 km avant d’atteindre Ghadames plein nord. La piste est tout d’abord assez caillouteuse jusqu’à ce que nous atteignions une zone de dunes et de sable plat de 80 km.
La traversée se passe relativement bien, avec pour notre part, un ensablement dû à mon inexpérience, je ralentis un mètre trop tôt avant le sommet de la dune et il me manque juste assez d’élan pour passer de l’autre côté. Il est vrai que la montée à pic, sans voir la descente est assez impressionnante.
Les indications que donnent les premiers à passer les dunes par la VHF sont extrêmement utiles et augmentent la sécurité des passages.

Cela ne nous empêche pas de faire deux vols planés de faible envergure où le pare-choc avant touche terre avant les roues, heureusement sans casse.

La traversée des dunes se termine sans autre encombre et nous repartons sur des pistes plus classiques mais de peu d’intérêt.

Nous croisons de nombreuses traces laissées par les camions sismiques de pétroliers. Il s’agit d’énormes monstres dont les pneus font un mètre de largeur et qui sont munis d’un énorme marteau sous le châssis. Des séries de capteurs reliés à des kilomètres de fils enregistrent les ondes sonores envoyées par le marteau.
Tête de Trépan abandonnée. Les diamants ont disparu. Dommage Mesdames
Vers 17h00 Franck crève un pneu de son camion et à l’occasion de sortir son nouveau cric hydraulique. J’ai la mauvaise idée d’oublier de glisser une planche de bois sous le cric qui s’enfonce dans le sol. A la 2e tentative l’extrémité du cric glissée sous l’axe du pont arrière glisse avec Franck couché sous le camion dont la garde au sol élevée le protège. La 3e tentative sera la bonne et tout cela en un quart d’heure.

Nous bivouaquons au plus près dans un endroit merdique. La température est tombée et le vent se lève, c’est l’heure pour nous d’aller nous coucher.

Au milieu de la nuit, il fait un froid glacial et j’enfile des épaisseurs supplémentaires mais il me sera difficile de me rendormir.

10 décembre En panne dans les dunes

10 décembre En panne dans les dunes. 26° 21 N – 10° 05 E

Après un départ comme d’habitude vers 8h30, le camion de Franck retombe en panne au bout d’une demi-heure. Il contacte le chef d’atelier IVECO avec le téléphone satellite, mais les différents essais proposés par IVECO ne résolvent pas la panne.

La panne, d’origine inconnue, limite la puissance du moteur de façon intermittente.

Franck tente de réparer sur place : nettoyage du circuit d’air, changement de tous les filtres à gas-oil, reset du calculateur électronique, rien n’y fait et la panne semble liée à la température.
Notre parcours prévoit encore 100 km de dunes vers le nord dont certaines assez raides qui rendraient le franchissement impossible, même en traction avec un autre véhicule.

Nous décidons de modifier notre parcours, pour jouer la sécurité et retournons vers Serdelès que nous avions quitté il y a 4 jours et donc de retourner de 80 km vers le sud pour rejoindre une route goudronnée au lieu de continuer plein nord par la piste. Nous suivrons ensuite cette unique route vers l’est, remonterons au Nord et repartirons à l’ouest vers la Tunisie en passant par Sebha et Tripoli que nous voulions éviter. Cela rajoute plus de 600 km et tout se fera sur le bitume. Nous repartons en arrière sur 20 km et déjeunons dans le fond d’un lac asséché. Les pointes de flèches et de harpons en silex abondent.

Breaking News.

Les aléas du direct nous obligent à modifier une fois de plus notre programme.

Franck a une intuition et redémonte le circuit d’admission d’air. Il trouve une feuille de papier d’aluminium qui obstruait la grille d’admission après le filtre à air. Quel est le salopard qui a planqué un sandwich ici ? Personne ne se dénonce, j’espère que Franck ne va pas prendre des otages au hasard.
Franck coiffé de son filtre à air (hair filter... of course)
Re-demi-tour et nous repartons plein nord. A nous les dunes et nous venons de gagner 600 km. Nous traversons la piste dite « des français » qui reliait autrefois la Libye à l’Algérie. Une dune difficile à franchir a d’ailleurs été aplanie par un radier en béton armé dont émergent quelques ferrailles meurtrières pour les pneus.

La piste traverse des champs de cailloux et se transforme en tôle ondulée, résultat du passage des camions qui se sont succédés depuis 70 ans. Deux possibilités : plein pot pour survoler la tôle comme dans le film « Le Salaire de la Peur » ou bien vitesse réduite à moins de 30 km/h.
Le Salaire de la Peur

Franck dont le moral et le camion sont revenus au zénith choisit la 1ere option tandis que pour ménager ses montures, le reste du groupe s’en tient à l’allure réduite.
Le Salaire de la Peur
Nous atteignons une source aménagée avec un tuyau et c’est l’occasion d’une douche qui nous évite de sortir nos jerry-cans d’eau.

Nous bivouaquons au pied de dunes qui émergent du plateau rocheux. La nuit est un peu plus fraîche maintenant que nous remontons vers le Nord en direction de Ghadamès à 380 km. Au bivouac, Ali nous annonce que demain les franchissements de dunes seront difficiles et que la prudence s’impose pour ne pas partir en vol plané ou en tonneaux.

9 décembre Wadi Aramat et Dunes

9 décembre Wadi Aramat et Dunes

Un berger armé d'une lance combat un fauve qui a déjà tué une vache.
La grotte et les peintures de la veille s’étant révélées exceptionnelles, une 2eme visite s’impose au matin. Nous visitons ensuite d’autres abris contenant des peintures de moindre intérêt. Dans notre documentation, un Bachi-bouzouk a indiqué que l’eau du puit voisin exceptionnellement claire est potable. Les têtards qui y pullulent semblent du même avis.
Alors, Amiral, vous en pensez quoi de la Flotte ?
Nous repartons par le même wadi Aramat en sens inverse et croisons un touareg qui nous attendait. Il se plaint d’avoir mal au genou et semble s’en remettre à la médecine des blancs. Avec deux frères médecins, c’est comme si j’avais suivi les cours de la faculté de médecine.
Evidemment, il a encore oublié sa carte Vitale, donc impossible de lui imposer des honoraires que de toute façon, le serment d’Hippocrate proscrit : « Tu soigneras l’indigent sans exiger de rémunération… ».
Je lui demande son âge, qu’il estime entre 30 et 40 ans ou peut être plus. Comme il s’agit d’une douleur persistante et  chronique, cela pourrait être de l’arthrose, même s’il est un peu jeune, quoique sous ces latitudes, on vieillisse vite. En guise de réconfort psychologique, je lui prescris une friction à l’arnica, car nous n’avons rien d’autre. Il repart content avec une nouvelle paire de chaussures qui sera sans doute la meilleure médecine qu’il puisse recevoir et plus efficace que l’arnica.

En quittant le wadi Aramat, nous retrouvons progressivement un paysage de dunes qui encerclent des lacs asséchés, dans lesquels foisonnent les bifaces paléolithiques. Après un passage de dunes un peu Rock’n Roll, le camion de Franck connaît une panne électronique qui limite sa puissance moteur et ne permet pas de dépasser les 20 km/h.
Nous décidons de bivouaquer à proximité le temps de réparer : changement du filtre à gas-oil, nettoyage du filtre à air partiellement obstrué, remise à zéro du calculateur électronique, etc…

Superbe bivouac à l’ombre des dunes et douche en plein air car le soleil est encore haut à 16h30.

8 décembre Tassili Aramat et Wadi Aramat

8 décembre Tassili Aramat et Wadi Aramat

Toujours le même plateau rocheux redécouvert par Ali en 2005 et où les seules traces visibles sont celles de la piste creusée depuis par les groupes qu’il accompagne. Nous repartons sur nos traces de la veille car le plateau se termine en cul de sac et est à 15 km de la frontière algérienne. Après notre invasion du Soudan il ne manquerait plus que nous annexions l’Algérie à la Libye

Nos recherches de la matinée seront peu fructueuses malgré que nous disposions de points GPS de gravures. J’en trouve néanmoins une (pas terrible) sur une pierre plate de 3 kilos. Nous la reposons dans une cache discrète mais accessible aux initiés pour éviter les tentations de pillage.

Au déjeuner, l’inventaire des vivres de notre navire fait apparaître un risque de pénurie de bière. La situation est sérieuse, et même grave et nous réunissons un conseil suprême. Nous décidons d’un strict rationnement, ce sera, comme dit Franck, le plan ORSEC (hors-sec off course). La vie est faite de renoncements…Après 32 jours dans le désert, nos préoccupations ne sont plus très élevées. Je me demande comment Saint-Exupéry a pondu le Petit Prince.

Pendant le déjeuner, les guides sont partis chasser mais reviennent broucouilles.

Nous repartons vers le Nord et quittons le plateau pour retrouver du sable et du roc. Nous atteignons le Wadi Aramat et nous arrêtons devant un poste de police dans un Algeco, posé à l’intersection de 2 pistes. Deux gars montent la garde à 20 km de l’Algérie, c’est encore mieux que le Désert des Tartares comme situation. Devant le poste, une épave de Land-Rover nous inspire une pensée pour Hugues, éminent possesseur d’un Land réformé de l’armée hollandaise et rénové par ses soins.

Le wadi Aramat est large d’un km et bordé de paroi rocheuse, recouverte de sable. Des Euphorbes poussent en abondance ainsi que des touffes d’herbe à chameaux. L’euphorbe est un arbre qu’il faut laisser en paix car le contact de sa sève avec les yeux rend aveugle. Il parait aussi que ses feuilles peuvent avoir des effets hallucinogènes avec lesquelles les junkies du désert se mettent la tête à l’envers.

Les gravures sont rares et assez décevantes, petits chameaux et écriture touareg récente.

En continuant de remonter le Wadi Aramat, nous trouvons un coin de bivouac entre les monticules d’herbe à chameaux et devant un abri sous roche connu pour ses peintures. Celles-ci sont d’une finesse extraordinaire, de couleur ôcre. Des chars Garamantes sont représentés, tractés par des couples de bœufs. Un berger avec sa lance fait face à un lion pour protéger son troupeau de vaches et une vache renversée a déjà été croquée par le lion. Il y a plus d’une centaine de personnages et d’animaux peints. La lumière de la fin du jour est assez bonne pour réussir une série de photos.






Pour nous récompenser de cette trouvaille, il y aura organisation d’une séance de cinéma en plein air avec projection du film « Le 5e élément » de Luc Besson, plus de 10 ans après sa sortie. Excellent film dans l’absolu et encore meilleur sous les étoiles et dans le décor en cinémascope formé par les parois rocheuses du wadi. La nuit est encore chaude.

7 décembre Magidhet et Tassili Aramat

7 décembre Magidhet et Tassili Aramat 25° N 50’ 10° E

La nuit a été chaude pour la saison et nous quittons le bivouac vers 8h00. Au volant toute la matinée, je me suis régalé : sable mou au milieu des rochers de grés, puis piste dure et arrivée sur un immense plateau rocheux (Tassili en arabe) où la moyenne ne dépasse pas 8 km/h. et où la voiture escalade des marches d’escalier. Difficile mais très stimulant, sauf pour Jean-Pierre qui serre les fesses de peur que je n’arrache le pont arrière.

Recherche vaine, la fin de la matinée, de gravures dans des abris rocheux qui devraient pourtant en être truffés.

Nous déjeunons à l’ombre d’un abri et Ali, notre guide, nous promet un festin de gravures pour l’après-midi.

Après 800 m de marche sur le plateau sous un soleil à faire défaillir un légionnaire, nous trouvons de gigantesques gravures, dont les tailles sont les plus profondes que nous ayons vues, et dessinées à même les dalles polies du sol. Girafes, très bien finies, lions, vaches, oryx…


Il fait une chaleur qui nous incite à prendre un peu de repos à l’ombre avant de repartir vers un nouveau site à proximité d’une importante Guelta de la dimension d’une honnête piscine ou d’une belle mare aux canards. La Guelta est un trou d’eau rocheux ou argileux et est alimentée par des eaux souterraines ou le recueil de la condensation sur les rochers. Le plus remarquable, est que je n’avais pas vu autant d’eau depuis plus d’un mois. Cela nous fait tous une curieuse impression, d’autant que les traces d’animaux sont nombreuses à proximité.
Guelta - source rocheuse

Les premiers habitants ont du s’établir à proximité car nous trouvons une gravure de vache de près de 3 m de long, très bien gravée. A proximité, d’autres animaux dont un Oryx dont les cornes de plus d’1 mètre se perdent en zig-zags. Un homme avantageusement proportionné à son extrémité caudale, est aussi gravé à proximité.

Nous nous éloignons de quelques centaines de mètres pour bivouaquer. Le décalage horaire appliqué depuis quelques jours permet d’arriver plus tôt au bivouac et de profiter de près d’une heure de lumière du jour et  d’une longue soirée.

Nuit longue et chaude.

6 décembre - Désert d’Akakus - Serdeles

6 décembre. Saint Nicolas - Désert d’Akakus - Serdeles

Nous quittons le bivouac à 8h00, performance jamais atteinte jusqu’à présent et partons pour le village de Serdeles à 90 km au Nord. Un long crochet pour éviter une piste de sable très mou nous permet de rentrer sur 30 km dans le désert d’Akakus. Décor de western avec d’immenses cathédrales de roches, à perte de vue, posées sur un lit de sable rouge. Une première halte rapide au pied d’un réservoir d’eau, permet une petite lessive et le plein des bidons d’eau non potable pour la toilette. En repartant, une halte permet d’admirer des gravures animales polychromes sous un abri de roches. Dans l’Akakus, nous nous arrêtons en face du rocher le plus remarquable, surnommé le doigt, qui salue les voyageurs du haut de ses 30 mètres. Une photo traditionnelle s’impose, véhicules sales mais alignés à la parade et équipages dehors saluant le doigt levé.

L’arrivée à Serdeles permet de refaire les pleins de gas-oil et de vivres frais pour les 8 prochains jours et de donner quelques nouvelles. Mon fils Charles m’apprend qu’il a gagné le championnat de trottinette de Casablanca, avec à la clé, un téléphone portable et une interview par la chaîne TV Extrem Sports. Il va peut être vouloir passer professionnel. En tout cas, c’était le jour de gloire.

A Serdeles, nous nous gavons de poulet rôti et visitons un petit fort italien des années 30 très bien restauré. Nous quittons Serdeles en direction du désert du Maghidet plus au nord.

La journée aura été l’une des plus riches en paysages, le matin : Akakus et l’après-midi Maghidet.

Il s’agit de formation de grés haut de 10 à 15 m que le vent a sculpté en leur donnant des formes tourmentées mais le plus souvent verticales.
Lorsque la roche a séché, la dessication a produit des cassures verticales et horizontales, tous les 20 cm, donnant à ces rochers l’apparence d’être couverts de moellons. La ressemblance avec des châteaux en ruines vient spontanément à l’esprit. Nous slalomons à vitesse très réduite entre ces rochers posés sur du sable mou et très fin. Les passages ne dépassent parfois pas trois mètres obligeant à de long détours et le relief sableux accidenté nous fait passer par des montagnes russes.

Je pensais avoir vu l’un des plus beau paysage au monde le matin avec l’Akakus, mais le Maghidet est encore plus spectaculaire.





Pas d’émission Rendez Vous avec Monsieur X, car la conduite demande une certaine concentration et les paysages sont époustouflants. Moebius et Gustave Doré ont du venir ici pour trouver leur inspiration.
Nous bivouaquons dans un cirque fermé par ces têtes de grés géantes dont certaines sont percées d’ouverture, travail du vent. Le sable est celui que l’on trouve dans les sabliers.

5 décembre. Sites Tazina à l’approche de Serdeles


5 décembre. Sites Tazina à l’approche de Serdeles

Il a effectivement fait froid, cette nuit, et je bénis ma combinaison de ski, au matin, que Corinne m’envie.

Sur le trajet, pas trop caillouteux, nous visitons encore 2 sites de gravures d’époque Tazina, vieilles de 3.000 ans. Gravées très profondément dans le roc, ces gravures sont d’un style très élaboré et linéaire. Le paysage change et nous roulons sur un sol où alternent sables mous et durs. Nous sommes entourés de cordons de dunes superbes, qui rappellent celles de Merzouga tout en s’étendant sur plus de 60 km de long. Elle sont même sans doute plus belles, n’en déplaise à mes amis marocains.
En faisant une corvée de bois au pied d’un acacia mort, je m’écorche sur son écorce. Acacia 1-0 à la mi-temps. Nous remontons le score, en arrachant de grosses branches à la sangle de traction, score final 3-1 pour les visiteurs. Jean-Pierre est vengé.

Le soir, nous vivons un psycho-drame de groupe intéressant où quelques dissensions s’expriment notamment sur la gestion du temps. Soirée pourrie par quelques réflexions ou sous-entendus mesquins sur le quart d’heure perdu à faire ceci ou cela, alors que les centres d’intérêt de chacun, sont tous autant responsables du temps perdu. Le temps est-il vraiment perdu, si, au final, chacun arrive à se faire plaisir. Il s’agit plutôt de tester la tolérance individuelle vis-à-vis du groupe.
J’admire, néanmoins le talent de certain à faire monter la mayonnaise, à culpabiliser l’un ou l’autre et à dramatiser des sujets d’horaire anodin sous prétexte de clarifier la situation. Cela doit détendre, il faudra que j’essaie demain.

Bref, personnellement, cela me casse les pieds et je préfère rester sur les visions de ces gravures exceptionnelles plutôt que de remuer de petites querelles.

4 décembre. Messak et Wadi Makhtendouch – La traite des vaches

4 décembre. Messak et Wadi Makhtendouch – La traite des vaches

La nuit est très douce et l’aube aussi. Je suis ridicule en combinaison de ski.
Nous quittons le bivouac en direction d’une nouvelle portion du Wadi qui abrite une fresque de traite de vaches connue des seuls spécialistes qui n’en divulguent pas le point exact, mais que notre agent secret Francis à réussi à obtenir. De quels moyens corrupteurs a-t-il usé et abusé ? Mystère.

Le site d’accès difficile se révèle aussi riche en gravures. La scène de traite de vaches est de très belle facture et très élaborée.
A côté, une autre fresque animale a perdu une partie de ses gravures dans un effondrement de la paroi. Franck a l’excellente idée de sortir un cric hydraulique pour retourner les rochers dans l’oued et retrouver la scène manquante. Nous nous escrimons une demi-heure en vain.

Nous partons le midi, déjeuner vers une nouvelle portion du wadi, d’un accès encore plus difficile. Nous sommes encore survolé par le même avion de patrouille libyen qui nous gratifie d’un passage à basse altitude. Je sourie, pour que la photo qu’il doit être en train de faire soit réussie et qu’il ne soit pas obligé de venir demain.
La Bête en patrouille
La Bête dans son antre

Jean-Pierre sue à grosses gouttes pour dépierrer les rochers qui risquent de taper dans le pont arrière, pendant que je conduis. Finalement, cela passe, sans casse, et nous faisons la pause déjeuner dans le fond du wadi. Voulant encore gagner 30 mètres, nous nous mettons dans un imbroglio de sable mou et de rochers énormes et nous mettrons une demi-heure à en sortir. L’après-midi se passe à découvrir de nouvelles gravures sur la paroi sud du wadi.

Nous quittons le plateau pour retourner bivouaquer vers les dunes de sable jaune du Murzuk.
L’arrivée est très difficile après la traversée d’une étendue de 3 km d’herbe à chameaux, petits monticules de sable et de végétaux pouvant atteindre jusqu’à 1 m de haut et entre lesquels nous devons slalomer ou bien que nous escaladons d’une roue. Nous bivouaquons dans les dunes à la nuit tombée, qui s’annonce fraîche.

3 décembre. Messak et Wadi Makhtendouch – Les Perdrix

3 décembre. Messak et Wadi Makhtendouch – Les Perdrix

Le matin, il fait un froid de canard, et je décide le lendemain de sortir ma combinaison de ski pendant l’heure cruelle 7h00 à 8h00 où le soleil est encore couché, il a de la chance, lui.
Nous quittons subitement le sable dur pour le plateau du Messak, qui est un champ de cailloux énormes et ininterrompu. Toute la mécanique proteste et dans des passages plus difficiles, nous dégageons à la main les plus grosses pierres. Heureusement les compagnies de recherches pétrolières ont tracé des pistes au Bulldozer pour leurs camions de matériel. Sauf que leurs camions ont des roues de deux mètres, soit un de plus que nous. Gaëlle, je suis maintenant sûr que l’Audi, que tu veux , n’aura pas sa place sur le plateau du Messak. Je rédige ceci, pendant que nous roulons à 5 à l’heure, d’où les fautes d’orthographe.

Nous arrivons en vue du Wadi Makhtendouch, dont un des sites les plus remarquables est clôturé et gardé par un péage. A 200 m du péage, nos voitures font se lever une compagnie de perdrix. Deux coups de feu claquent par la vitre de la voiture du guide et trois perdrix sont tirées. Cela ne fera pas lourd au dîner.

Nous convenons, en cas de questions indiscrètes des gardiens du péage, de dire qu’un pneu a éclaté. Un pneu et deux détonations, cela me paraît gros, mais les gardiens ne remarquent rien, assez contents de percevoir le droit d’entrée.

Les gravures, leur style très élaboré, leur nombre et leur variété sont au-delà de toute description et donc je m’en abstiendrai les photos étant les meilleures oratrices.
Les gravures sont situées sur les plaques verticales de rochers en grés qui constituent les parois de l’oued. Ces parois sont hautes de 50 mètres environ, mais les gravures sont situées à la base dans le fond de l’oued et jamais à plus de 10 m de hauteur. L’oued est encore verdoyant et les acacias procurent aux visiteurs une ombre bienvenue en milieu de journée.
Dans cette première portion du Wadi, plus de 200 scènes se succèdent sur 2 km. C’est un bestiaire complet : éléphants, girafes, vaches. Très peu de figures humaines.
C’est un véritable musée à ciel ouvert. Les têtes de vaches rappellent étonnament la tête de taureau qui orne le tableau Guernica de Picasso.
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Après déjeuner, nous repartons à quelques km à l’ouest pour une nouvelle portion du wadi qui se révèlera encore plus riche en gravures, avec notamment, des scènes domestiques et une éléphante suivie de son petit d’une qualité étonnante. Toutes ces gravures sont vieilles de 4.000 ans, à l’époque où l’oued abritait une faune qui a refluée depuis, au-delà du Sahara. Le Wadi est le seul cordon de vie dans ce plateau lunaire.

Entre midi et trois heures, soleil de plomb et seuls Francis et Jean-Pierre continuent leur quête de gravures. C’est assez pratique pour les feignasses que nous sommes et qui roupillent, car vers 16h00 et à l’ombre nous partons droit sur leurs découvertes.

Nous bivouaquons le soir dans le fond du Wadi, face à la paroi rocheuse dans un paysage digne du parc de Serengueti. En voulant nous attaquer à un acacia mort pour trouver du bois de chauffe, une aiguille transperce la tong de Jean-Pierre et s’arrête sur l’os de son pied. Nous renonçons, score 1-0 pour l’acacia, qui triomphe par K.O. technique. Ses épines peuvent facilement transpercer un pneu renforcé.

2 décembre. Murzuk et Messak


2 décembre. Murzuk et Messak

Il neige en France et la matinée au bivouac commence fraîchement. Nous prévoyons de quitter Murzuk pour le désert du Messak. Pleins à ras-bord des réservoirs et Jerry-cans, le matin, pour ceux qui ne l’avaient pas fait la veille, car le ravitaillement ultérieur risque de ne pas avoir lieu avant 1.500 km.

Hugues et Jean-Michel nous quittent le midi pour la Tunisie où ils rentreront en France via Gênes. Nous leur disons au revoir, jusqu’à ce que nous soyons hors de portée de la VHF.

Nous partons vers le Nord en direction d’un bled dont j’ai oublié le nom, pour attaquer 5 jours dans le désert du Messak.

Nous prenons la route sud pour aller visiter le wadi Makhtendouch, long de 60 km, où sont recensées, plus de 25 km de gravures. La piste très roulante nous emmène vers le Messak et vers 5h00, nous bivouaquons à l’ombre des dunes dans un cirque, bivouac une fois de plus très agréable.

1er décembre Oasis de Garamantes, fort de Zuweila et arrivée à Murzuk

1er décembre Oasis de Garamantes, fort de Zuweila et arrivée à Murzuk

Lever 6h00 dans l’oasis de Garamantes, de toute façon, nous sommes rarement partis avant 8h30, le temps pour Hugues et Jean-Michel de ranger leur campement Manouche.
Suivant les directives de notre Guide Suprême, Président de la République et de son âme damnée, le vizir Hortefeux, nous décidons de réexpédier ces romanichels dans leur pays d’origine, la France.
Cette mesure de salubrité devrait résoudre, tous les problèmes de la Libye. Pas question en plus de leur filer 500 euros, car ils reviendront l’année prochaine manger le pain des libyens.

Plus sérieusement, c’est leur dernier jour avec nous, les contraintes professionnelles requérant qu’ils reprennent le collier le 7 décembre.
Jean-Michel et Hugues, vous allez nous manquer ainsi que vos Riesling, Rivesaltes, Quincy et autres cépages dont vous nous avez régalés.

Dans la journée, nous visitons deux antiques tours de guet des Garamantes, sentinelles de terre de pisée et de pierre. Nous descendons aussi dans un puit toujours actif. Les Garamantes comme les Perses avaient creusé des centaines de km de galeries souterraines pour irriguer leurs palmeraies : les Fogaras.

Nous partons ensuite pour 80 km, vers la petite ville de Zuweila, visiter les tombeaux de 7 compagnons du Prophètes et donc datés du 7e siècle. La restauration des tombeaux est un peu décevante car relativement moderne.

En revanche, le vieux fort turc, tout décrépi, est à proximité de la vieille ville de Zuweila, quasi-abandonnée. La ressemblance avec les maisons en pisée du sud marocain est frappante et les très rares pluies ont donné aux murs un aspect de beurre fondu.
Salut aux copains du Maroc, qui suivent le Blog.

Le vieux fort turc abandonné a une architecture, un peu complexe, très réussie, et les salles intérieures, blanchies à la chaux, gardent la fraîcheur, malgré le cagnard ambiant.

Le fort, occupé par les italiens pendant la seconde guerre mondiale, a été pris par la colonne Leclerc fin 1942. Une croix de Lorraine gravée, sans fioriture, sur une pierre de l’entrée du fort témoigne de la prise et du changement de propriétaire.
Quittant le fort, nous refaisons des pleins un peu laborieux derrière un paysan qui a eu l’heureuse idée de venir, ce jour, remplir les 2.000 litres de sa citerne de Gas-Oil. C’est la scoumoune et nous devons patienter.

Nous quittons Zuweila pour Murzuk, par une route bitumée en cours de réfection et très roulante.

L’arrivée à Murzuk est un peu cafardeuse, car après une semaine de désert, nous devons nous réhabituer à la saleté des villes et refaire quelques vivres.
Passage au cyber-café pour donner des nouvelles et direction le bivouac où les guides sont partis en éclaireur le repérer.
A la nuit tombée, nous recevons le point GPS par la VHF et rallions à 5 km par un méandre de petites pistes et chemins. Entre parenthèses, seules les cartes satellites nous permettent de les trouver et l’écran GPS 7 pouces de mon Mio est une merveille de précision. Cela ressemble au PSV, pilotage sans visibilité des aviateurs, et le GPS détecte des pistes invisibles la nuit, bien que nous ayons le nez dessus, à 3 mètres de distance.
Le téléphone passe et chacun peut donner des nouvelles.

Jean-Michel nous régale une fois de plus de ses talents de cuistot : poulets rôtis, pommes sautées à l’huile d’olive, salade de persil, tomates, oignons, et vins appropriés.
Jean-Michel a mis les dames aux fourneaux, peu confiant en la capacité des hommes pour les tâches ménagères. Ces dames se sont beaucoup émancipées depuis le 1er vote féminin d’avril 1945, la mini-jupe et le droit de piloter des avions de chasse. A travail égal, salaire égal et elles réclament pour juste rétribution une double tournée de Whisky de 12 ans d’âge. C’est l’inflation dans les revendications salariales, la faillite n’est pas loin, mais le patronat masculin cède sur tout.