La citation du jour

Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche



23 novembre 2010

Histoires d'avions De Havilland 104, Biplan IMAM Ro 37, Tank Panhard et gravures rupestres - 12 - 20 Novembre

12 Novembre. Le De Havilland 104

Aujourdui, nous partons à la rencontre du De Havilland 104 dont nous sommes éloignés de 70 km. Traversée sans histoire et nos voitures soulèvent des tourbillons de sables fins qui obligent à augmenter l’écart entre les véhicules pour avoir une visibilité satisfaisante dans un vent nul . Le terrain est un peu caillouteux et nous approchons du point de crash : Nord 25° 44, 45, Est 24° 51, 35, soit à 14 km de la frontière égyptienne, côté Libye.
Le DH 104 est un bimoteur à hélice, portant les cocardes égyptiennes, d’environ 8 places et d’une quinzaine de mètres de long qui s’est crashé à proximité immédiate de la frontière égyptienne.



L’arrivée, à vue, par l’arrière de l’appareil permet de distinguer, l’appareil posé, la dérive bloquée à 45° sur tribord et partiellement désentoilée.

Le train d’atterrissage est sorti et témoigne que les occupants ont survécu au crash.
L’appareil transportant trois personnes dont un enfant de moins de 10 ans, s’est écrasé après un atterrissage forcé dans les années 60. L’équipage et les passagers ont été retrouvés, morts de soif seulement en 2001 et des graffitis sur le fuselage rappellent la découverte. Nous tombons sur deux 4x4 conduits par des toulousains en train de visiter l’épave.

L’un des occupants d’un 4x4, venant d’Egypte, nous apprend qu’à son passage précédent en 2001, l’avion était parfaitement intact. Les corps momifiés des occupants venaient d’être retrouvés et avaient  été ensevelis sur place. Je n’ai pas réussi à connaître précisément leur nombre, peut être trois selon nos compatriotes, mais cela me paraît peu si l’on compte le pilote, son copilote et l’enfant.

A 20 mètres devant le nez de l’appareil, subsistent des bandes de toiles, provenant probablement des sièges, pour attirer l’attention d’improbables secours aériens. Détail poignant, 2 paires de sandales d’enfant d’une petite pointure subsistent parmi les signaux.

C’est horrible.

Depuis sa découverte, l’appareil a été vandalisé et les pièces de valeur ont été volées, dont tous les indicateurs du tableau de bord. Des tags à la peinture, décorent le fuselage. Quelle connerie !
 Les trappes d’accès aux moteurs ont été ouvertes et les hélices dont les pales sont tordues tournent encore sur leur axe. Nous prenons quelques photos et chacun de nous se succède aux commandes.

Les manches à balais et palonniers encore en place bougent mais n’actionnent plus les volets et dérives, les câbles de transmission ayant été sectionnés.

Le plexiglas du cockpit est partiellement détruit, l’un des sièges a été sorti de l’appareil.
Comme Neuf

Nous reprenons la route et à la recherche de verre libyque, résultat de l’impact d’un météore, qui a fondu le sable pour le transformer en gravier de verre opaque. Nos recherches restent vaines et prenons le cap vers un cratère de météore que nous atteindrons demain. La route se poursuit dans le lit d’un wadi, plein sud. La remontée vers un plateau rocheux nous oblige à quelques détours pour redescendre dans l’oued, pour bivouaquer sur le sable dans un site sublime. Décor de sable bordé de plateaux rocheux et de pitons à perte de vue. Les cartes satellites en 3 dimensions ne permettent pas de trouver un passage dans l’oued, mais indiquent précisément, par leurs contours plus sombres, les flancs trop escarpés pour permettre la descente.
A 17h 30, nous installons le bivouac dans un site de rêve en sable épais. Une douche rapide nous permet de revivre. Nous séchons l’intermède de nettoyage du filtre à gas-oil du Toyota de Jean-Michel et arrivons comme les carabiniers pour dispenser quelques conseils inutiles mais accueillis avec bienveillance. Remettre les mains dans le cambouis après un décrassage complet eut été dommage. L’ouverture d’une bouteille d’Armagnac permet de vérifier qu’il s’agit d’un apéritif très convenable en plus de ses vertus digestives. La Température est agréable et le vent nul.
Demain, nous prenons la route vers des cratères de météorite. La journée fut excellente. Demain soir, séance de cinéma, avec, en avant-première, et 49 ans de retard, un Taxi pour Tobrouk. Peu d’espoir de croquer des esquimaux à l’entracte.

Post-Scriptum sur le DH-104

J'ai effectué quelques recherches supplémentaires sur le destin de cet avion qui n'arrivera jamais.
A comparer avec ce qui reste du tableau de bord

Cliché d'un DH-104 Dove pris en Libye

Immatriculé Z-900 dans l'Egypt Air Force, le De Havilland 104 s'est écrasé le 11 avril 1968 à quelques kilomètres de la frontière. Il transportait 9 occupants, équipage compris, et ne fut retrouvé que trois ans plus tard, le 1er juin 1971. Il retomba ensuite dans l'oubli.


13 Novembre Astroblème Oasis et à la recherche du l’avion biplan italien IMAM Ro 37

La nuit fut un peu difficile, le vent s’étant levé d’une traite et le battement de la toile de tente me réveille souvent. Un peu courbaturé et de mauvais poil, j’entends le branlebas à 6h00.
Après le départ, nous roulons d’une traite, plein sud en direction du cratère Oasis. En fait d’oasis, il n’ y pas un brin d’herbe à 200 km à la ronde, donc, le mystère subsiste sur l’origine du nom.


Hasard des rencontres, nous croisons au milieu de nulle part un convoi de 28 4x4, dont une proportion importante de Land Rover, ce qui remonte le moral d’Hugues, heureux possesseur d’un Land réformé de l’armée hollandaise et superbement ré-équipé pour les raids, mais laissé en France.
Marie-France retrouve des connaissances parmi les équipages de Land Rover. Leur dernière rencontre était à Imilchil, Kingdom of Morocco, il y a 2 ans.

L’arrivée sur le cratère de météorite, nom scientifique Astroblème, fait apparaître un cirque de collines rocheuses de quelques dizaines de mètres de hauteur. Nous tâtonnons un peu pour trouver l’entrée, mais les cartes satellites nous permettent de retrouver l’unique passe d’entrée, laissant la place pour deux véhicules. Les vétérans retombent sur leurs traces d’il y a 2 ans et personne ne semble être passé depuis.

Le cratère intérieur fait une dizaine de kilomètres de diamètre et nous déjeunons au centre. Les guides tentent une nouvelle chasse au serpent, pour agrémenter le dîner, une fois de plus, ils reviennent bredouilles. Nos géologues nous expliquent qu’une météorite de 200 mètres de diamètre est à l’origine de ce cratère ainsi que du cratère extérieur, lui large de plus de 20 kilomètres de diamètre. Les éperons rocheux du cercle d’impact sont en roche vitrifiée par la température de l’explosion.
L’exploration du site permet de trouver quelques spécimens de minéraux, manganèse et autres ainsi qu’un biface témoin de la présence d’hommes du néolithique.
Bifaces et Bifesses abondent

Nous gravissons l’un des éperons pour quelques clichés en altitude.
Après avoir quitté le site nous filons plein est et full speed, sur un terrain de sable plat et bien tassé, à la recherche de la carcasse du biplan IMAM Ro 37.

Cet Imam n'a rien à voir avec Khomeyni mais signifie : Industrie Meccaniche Aeronautiche Meridionali.
 
Ce bombardier léger italien, mono-moteur, s’est écrasé dans les années trente, lors des campagnes des italiens contre les tribus Sénoussis. Victime d’une panne moteur, l’équipage a pu être sauvé, l’expédition de secours n’a pu réparer et l’a abandonné avec un bidon d’essence de 200 litres posé derrière la queue de l’appareil. Il ne reste que la structure tubulaire du fuselage et la dérive, les ailes très légères et entoilées ayant été absorbées par le sable. Le moteur a aussi disparu, victime sans doute de ferrailleurs du désert.

Si j'en crois la documentation, cet avion était apprécié de ses pilotes quoique sujet à des pannes moteur et des faiblesses du train d'atterrissage. Ben Tiens ! Avec 330 km/h de vitesse de pointe, c'était loin d'être une bête de course.

Nous faisons les clichés de circonstance en prenant la place aux commandes du navigateur-bombardier à l’arrière et du pilote à l’avant. Les palonniers fonctionnent encore mais n’actionnent plus les gouvernes.
Nous bivouaquons au pied d’une butte rocheuse à 2 kilomètres de l’épave. Après un apéritif long et un dîner rapide, le cinéma en plein air est installé. Fauteuils disposés en arc de cercle et hauts-parleurs à fond, la dernière séance commence.
Au programme, comme prévu, « Un Taxi pour Tobrouk », qui donnent lieu aux commentaires peu flatteurs sur les Land-Rover qui s’ensablent dans 3 centimètres de sable. Nos super connaisseurs ont reconnu que la voiture allemande est en fait un Land Rover série 1 maquillé pour les besoins du film. Françouse Gross Filou.

Le lendemain nous partirons pour Koufra avec au programme : douche, achat d’un mouton pour le méchoui et poulet rôti.

14 Novembre Le mouton de Koufra

Après deux heures de pistes, très roulantes, nous arrivons en vue de Koufra, ce qui marque un trajet de 900 km sans voir âme qui vive.
Koufra a connu par deux fois une certaine célébrité avant de retomber dans l’oubli et le sable. La première, après la prise par les italiens au début des années 30, qui marquait la domination de l’Italie sur le sud de la Libye et la reddition des tribus Senoussis. Cet épisode valut au Maréchal Graziani, qui commandait l’expédition, le surnom de boucher de Koufra, ce qui en dit long sur la répression menée.
La seconde, après la prise fin 1940, par la colonne Leclerc, partie du Tchad du fort d’El Taj, qui domine la cuvette de Koufra.
Ces notes, rédigées sur place, peuvent s’éloigner de la réalité historique, mais le lecteur averti aura corrigé de lui-même.
La prise de Koufra a été maintes fois relatée car il s’agissait après le désastre de juin 1940, après la canonnade de la flotte française à Mers el Kébir et le fiasco de l’expédition de Dakar, de la première action couronnée de succès de la France Libre.
Marche de la 2eme D.B. by nick talope
La colonne Leclerc, forte d’à peine 200 hommes et d’un petit canon de 75 mm obtint la reddition du fort après quelques jours de canonnade. La prise se produisit après un périple de plus de 1.000 km. Quelques reconnaissances aériennes et tentatives ratées de bombardement par des Blenheim, bombardier léger, avaient surtout abouti à donner l’éveil à la Compania Saharianna de Kuffra.
Confronté aux difficultés du terrain, il me semble que le véritable exploit a plus été l’arrivée à bon port de la colonne et l’organisation du ravitaillement, que la prise en elle-même du fort, mais les spécialistes apprécieront.
Après sa prise, Koufra deviendra une base importante de ravitaillement et sera occupé définitivement par les anglais. Tout au long de se voyage, nous croiserons les ornières et bidons d’essence laissés par les convois de Koufra de 1940 à 1942. Les traces plus récentes de roues sont infiniment plus rares, marquant l’endormissement de Koufra. A quand le prochain réveil ?

Les alentours de Koufra sont un immense dépotoir et nous gagnons le centre ville pour ravitailler en légumes et fruits frais, plus par gourmandise que pour éviter le scorbut. Coup de téléphone à  nos proches et ravitaillement complet en gas-oil. Nous avons tous consommé près de 190 l, soit vingt litres aux 100 km, ce qui est très correct après la difficulté des terrains traversés.
Après un vote démocratique et une unanimité, digne d’une résolution du Polit Bureau du Soviet Suprême, nous décidons l’achat d’un mouton qui sera sacrifié la veille de l’Aïd.
Le souk aux moutons est situé à la périphérie de Koufra et nous achetons pour 300 dinars une bête qui sera aussitôt ficelée sur le toit d’une voiture, tenant compagnie aux jerry-cans.
Le déjeuner se prend à la sortie de Koufra dans un petit caravansérail aménagé, très sympa, avec sa piscine vide mais un auvent en dur bien pratique pour déjeuner et recharger nos appareils électriques. Les cuistots du boui-boui s’occupent de sacrifier le mouton, de le vider d’enlever la peau. Le mouton, ainsi préparé voyage sur le toit, pour laisser la viande reposer et lui donner un hâle bien bronzé. Nous bivouaquons à la sortie de Koufra dans du sable.

15 Novembre. Les Bidons du LRDG

Le matin, nous descendons rapidement vers le sud sur un sable dur. Vers 10 heures, je repère à gauche de la progression, quelques points noirs sur le sable. Nous tombons, par hasard, sur un dépôt de ravitaillement du Long Range Desert Group. Il peut aussi s’agir, plus probablement, d’un point de ravitaillement des convois d’approvisionnement de Koufra. C’est aussi un point cartographiquement remarquable car très proche des coordonnées 24° Nord, 24° Est.

J’apprendrai plus tard que ce dépôt de ravitaillement sur la route de Koufra a porté plusieurs noms de baptême : 24/24 puis LARADAG et enfin Kendall’s. Le soldat Kendall du Génie Britannique a atteint une immortalité confidentielle en construisant les réservoirs d’eau potable de ce dépôt dont ne subsistent que des bidons enfouis. C’est d’ailleurs un miracle que son nom survive, merci le Web, car il est seulement évoqué dans l’histoire non publiée du LRDG, écrite par son fondateur, le Major Bagnold. Je tiens ces renseignements du site internet du grand spécialiste hongrois de la région, András Zboray. Le monde est si petit que nous rencontrerons ce spécialiste dans quelques jours en train de relever de nouvelles gravures dans le massif de l’Uweinat.

Bon, revenons à nos bidons…
Une dizaine de bidons Shell, lestés de sable, sont à demi enfouis dans le sable, encore protégés par leurs emballages en carton d’origine.
Les inscriptions indiquent qu’ils ont été fabriqués à Philadelphie et celles-ci sont visibles sur les emballages en carton très bien momifiés par le sable. Ils ont été remplis d’essence entre juin et octobre 1942. Les parties enterrées font apparaître un fer blanc étincelant et les parties à l’air libre sont rouillées et abrasées. Ces bidons anglais d’une vingtaine de litres font camelote par rapport aux jerry-cans beaucoup plus résistants et faciles à transporter.
Nous pelletons pour recouvrir le dépôt de sable, pour le protéger et nos guides se demandent ce que nous faisons à explorer des poubelles.
Le LRDG était une unité anglaise, constituée de spécialistes du désert chargé d’organiser des coups de main sur les arrières de l’Afrika Korps et des italiens. Le film, Un taxi pour Tobrouk, s’inspire librement des actions du LRDG.

L’après-midi sans histoire est marquée par une tentative de traversée d’un plateau rocheux. Après avoir quitté le sable, nous atteignons le plateau rocheux que nous tentons de traverser en suivant le cours d’un oued à sec très caillouteux. Les véhicules souffrent et nous regonflons les pneus à 2,5 kilos. Devant la difficulté de la progression, nous rebroussons chemin au nord pour trouver un passage plus roulant et revenons à la même latitude que le point où nous avons abordé le plateau et plus à l’est, nous perdons près de 2 heures.
C’est d’ailleurs, lors de cet épisode que je vais me chauffer la voix avec l’un des participants dont les prétentions à jouer le mâle Alpha du groupe et à régenter la progression commencent à m’exaspérer.
Finalement nous trouvons un bivouac dans le sable, toujours au pied d’une butte. L’un d’entre nous, spécialiste des ouvrages d’art dans le civil, construit au sommet de la butte, un cairn vertical montant à hauteur d’homme, prodige d’équilibre. Très visible à des kilomètres à la ronde, ce cairn posera une énigme aux prochains explorateurs.
Le soir, le mouton est cuit en côtelettes, les autres morceaux serviront à préparer la Chorba du lendemain, soupe libyenne traditionnelle et roborative. Une musique celtique, très inattendue, et mise par nos guides sur un auto-radio donne au méchoui un petit air de Fest-Noz.

16 novembre Plateau Rocheux

Nous quittons le bivouac et progressons sur le plateau rocheux avec difficulté. Deux déchirures apparaîtront plus tard sur les flancs des pneus arrières. Le paysage rappelle très bien les plateaux de l’Atlas marocain.
Après avoir quitté le plateau, nous repartons dans le sable dur. Au pied de plusieurs buttes, nous trouvons des bifaces en quantité respectable et des meules polies pour broyer les grains avec leurs plateaux.
La progression se poursuit dans des paysages sublimes, rochers géant en forme d’animaux, posés sur le sable. Les guides ont sorti un fusil de chasse, au cas où, pour tirer une gazelle ou un mouflon qu’ils ne trouveront, d’ailleurs pas. Cela nous change des chasses au serpent quotidiennes et bredouilles.
En fin d’après midi, nous bivouaquons au pied du massif circulaire de l’Arkanu. Une première reconnaissance permet de découvrir une peinture rupestre représentant un chameau. Cet animal a été introduit par les Perses de Darius et la peinture, assez grossière, est nécessairement récente.

Les guides sont un peu nerveux car le bivouac choisi au Nord du massif est visible des pistes qu’empruntent les contrebandiers en provenance du Darfour à 1.000 km plus au sud. Les marchandises de contrebande partent vers le sud et les camions et surtout pick-ups transportent au retour des candidats à l’émigration en provenance d’Afrique sub-saharienne et en particulier d’Erytrée et de Somalie, attirés par un départ vers l’Italie. Nous verrons effectivement un véhicule passer au loin.
Demain, il est prévu d’explorer l’Arkanu en entrant par l’unique passe au Sud du massif circulaire.

17 Novembre Massif de l’Arkanu

Le massif est spectaculaire et forme un cercle presque parfait d’une vingtaine de km. Son sommet culmine à 1.380 m selon les cartes russes. Au sud, une passe marquée par un acacia de taille respectable permet de pénétrer d’une dizaine de km jusqu’à son centre.

Nous cherchons le matin des gravures rupestres dont nous ne possédons que des positions approximatives. Il faut gravir la montagne sur quelques dizaines de mètres, mais les recherches restent vaines et épuisantes en raison de la chaleur.

Nous nous rattrapons en visitant une grotte bien répertoriée ou plutôt un abri sous rocher de 25 mètres. Les peintures en ocre rouge, sont d’une grande finesse et en particulier des personnages près d’une balance à fléau nous intriguent.
Pour prendre des photos, il faut ramper sur le dos pour prendre les gravures souvent peintes sur le plafond de l’abri ou dans des failles peu accessibles.
La douche de ce soir, gardée précieusement en réserve, ne sera pas un luxe.
Le site sert fréquemment de lieu de campement aux nomades et militaires. Je retrouve une paire de Rangers, dans laquelle un troufion libyen a oublié un paquet de cigarettes plein. Il a du filer rapidement pour oublier tout cela. Pas besoin de Carbone 14 pour dater le tout, le paquet de cigarettes permet d’estimer son âge à 26 ans.

Pendant cette journée, deux d’entre nous seront monté au sommet de l’Arkanu ce qui représente une longue marche d’approche et 800 m de dénivellé. Ils nous rejoignent en fin de journée, l’un d’eux complètement rincé par cette marche de bagnard.

Nous contournons par l’ouest le massif de l’Arkanu pour embouquer la passe sud. L’entrée est marquée par l’épave d’un blindé léger Panhard, en parfait état, et dont le canon de 90 mm est pointé vers l’entrée de la passe. Je la reconnais d'autant mieux que, vers 8 ou 10 ans, j'avais la même en métal de chez Dinky Toys (Au fait, cela existe toujours ?). Sympa d'avoir un jouet plus grand, il parait que c'est ce qui différencie l'homme de l'enfant, la taille et le prix de ses jouets.
Nous organisons la séance de photo rituelle en prenant la place du conducteur, du tireur et du chef de char. J’essaie d’actionner le volant qui fait tourner la tourelle et à ma grande surprise, celle-ci pivote parfaitement. Je la pointe naturellement vers l’un de nos véhicules. Les occupants font mine de se rendre et sont donc épargnés.

Ce blindé léger appartenait aux forces de Goukouni Wedaye, chef tchadien, allié à l’armée libyenne et a du être victime d’un ennui mécanique. Les occupants ont du déguerpir en vitesse abandonnant pas mal de matériel.
La passe sud est truffé d’équipements militaires détériorés, boites de munitions, cartouches, boites de ration, poste radio HS, roquettes RPG 7….

Il y a aussi une remorque de cuisine en parfait état, sauf les roues, datée de 1983, une Jeep Wrangler couleur sable avec un support pour un canon sans recul.
Là, des pilleurs d’épaves ont récupéré le moteur et toutes les pièces détachées pouvant être négociées.
Il y a des traces nombreuses d’occupation par des militaires. Voyant des alignements de pierres, nous prenons la précaution de ne pas en dévier, au cas où elles indiqueraient des mines, mais rien n’a jamais été signalé depuis 26 ans que les combats ont eu lieu.

Nous trouvons des gravures rupestres sur les lieux dont nous avions déjà les positions, dont de belles girafes. Celles-ci sont sur des pierres de rocher plane et bien exposé à l’air libre.

Nous bivouaquons le soir au centre de l’Arkanu, au pied d’une muraille de pierre. Je commence à m’habituer à dormir à la belle étoile, bien aidé par les cahots de la journée et la cérémonie rituelle de l’apéritif qui m’assomment.


Extrait de Wikipedia 



La Panhard AML 60/90 est un blindé léger dont la transmission 4x4 permanente lui procure une exceptionnelle mobilité. Elle dispose de deux portes latérales et son moteur est en position centrale arrière. Le conducteur prend place à l'avant et la tourelle abrite le chef de char et le tireur.
Sa garde au sol de 330 mm lui permet un franchissement de 0,8m.

La portée d'un mortier étant limitée, le constructeur français développa ensuite une version à canon de 90mm. Cette nouvelle AML 90 tout aussi mobile et mieux armée se vendit bien en Afrique où les budgets militaires des pays nouvellement indépendants ne pouvaient absorber l'achat de tanks plus lourds.


18 Novembre Massif de l’Uweinat. Rendez vous Hongrois

18 Novembre, bonne fête de l’indépendance à mes potes marocains.
L’Uweinat est la porte à côté de l’Arkanu et nous progressons sur un terrain plat, sur à peine 60 km plein sud. Nous tombons sur un pick-up Toyota dont les occupants, viennent de capturer il y a 3 jours un faucon adulte.
Les yeux de l’oiseau sont masqués et il voyage sur la plate-forme. Les chasseurs pour l’entraîner à revenir, lui ont attaché à la patte une bouteille plastique emplie de sable, plus 3 boulons pour faire bon poids. L’idée est de l’habituer à voler et à être repris par ses dresseurs. Dans une deuxième phase, un pigeon vivant servira de cible. Il est enfermé dans un filet garni de boucles de fil de fer. Le faucon croche dans les fils, ramène le pigeon et reçoit une récompense de la main du dresseur. Je plains le pauvre pigeon qui nous regarde pas très rassuré. Un plaisantin suggère de vérifier s’il reconnaît une boite de petits pois comme ennemi atavique.


Le massif est dans un lieu sublime de pierres rondes érodées.
L’Uweinat dont l’étymologie du nom rappelle l’existence de sources toujours en eau (Aïn) est un massif circulaire de 40 km de rayon mais dont les passes d’accès sont nombreuses. Le massif est truffé de grottes, en particulier en remontant le wadi Ibrahimi. La végétation réapparait au fond du wadi avec de nombreux acacias. La présence de ces arbres suggère que les nomades ne viennent pas par ici. Les gravures sont nombreuses et de très belle qualité.

Explorée par une mission belge en 1968, cette zone désertique n’a pas du voir plus de 500 personnes depuis cette année turbulente et de nombreuses découvertes restent à faire.
En 2 heures nous explorons quatre grottes dans un rayon de 2 km et les scènes de chasse sont d’une grande finesse : girafes, mouflons antilopes et quelques scènes pastorales.
Nous déjeunons à l’ombre des grottes et prenons notre temps car nous prévoyons 3 jours pour explorer le massif.

L’après-midi, le guide nous conduit dans des grottes dont les nombreuses peintures sont au-delà de toute description. Scènes de chasse, scènes domestiques dont la datation varie entre -2.500 et – 1.500 av J.C. Pas très éloignée de l’Egypte des pyramides et des temples, on se demande comment deux civilisations aussi éloignées en niveau de développement, ont pu co-exister.

En route, nous tombons sur le grand spécialiste de la région le hongrois Andraz Boray, venu avec une mission de chercheurs italiens. Ce rendez-vous était programmé à l’avance, et plusieurs d’entre nous, spécialistes de la préhistoire connaissaient déjà plusieurs membres de l’expédition hongroise. C’est un tout petit monde, encore plus fermé que le Jockey-Club qui se retrouve aussi au cours des conférences données en Europe ou sur le terrain. Il est aussi vrai que plus les communauté sont réduites, plus les chapelles prospèrent comme chez les trotskistes.
Nous les laissons, après une petite conversation mondaine, poursuivre leurs recherches.
Nous faisons quelques tentatives pour trouver trois grottes dont nous n’avons qu’une position approximative et n’en trouvons qu’une sur les trois. La recherche fait partie du sport et il faut accepter comme à la chasse de rentrer bredouille, cela n’a rien de déprimant.

Nous bivouaquons à proximité des sites et je commence à prendre l’habitude de ne plus monter ma tente, les nuits étant suffisamment agréables pour dormir à la belle étoile et se réveiller en douceur vers 6h00 au lever du jour.

19 Novembre Massif de l’Uweinat. La Bête

Nous choisissons d’aller vers des sites bien répertoriés et en découvrons plus de 5 au cours de la journée.
L’un d’entre eux, dont la position doit rester secrète, car des fouilles sont en cours, nous avait été indiqué par l’un des chercheurs. Les gravures sont de grande qualité et nous trouvons aussi des traces d’habitat primitif dont des meules à broyer les grains, et les cupules creusées dans le rocher pour recueillir les grains.
Des nomades ont ensuite réutilisé la grotte et bâti un mur de pierres sèches, assez bien fini et rejoignant le plafond de la grotte : l’igloo des sables.

Dans l’une des grottes nous trouvons la Bête.
La Bête a la vague forme d’une vache de bonne dimension mais très stylisée. C’est plutôt son aspect massif et brut qui contraste, sans doute volontairement avec la finesse des autres personnages humains et animaux à ses côtés. La Bête avale les humains par la bouche et évacue par l’anus une ribambelle de petits bonshommes, plus d’une vingtaine, qui semblent se donner la main. Il peut s’agir d’une allégorie du cycle de la vie, de la mort et de la renaissance. Cette interprétation toute personnelle me vaudrait peut être l’anathème des spécialistes.Malheureusement, je ne retrouve plus les photos faites.
Cependant une explication fausse dans le détail peut néanmoins s’avérer juste dans l’esprit. Ainsi, le livre de Freud « Totem et Tabous », parfaitement faux sur le plan de la réalité historique a néanmoins bien saisi, dans l’esprit, comment les communautés primitives choisissaient un chef, le père, et devait ensuite s’en débarrasser pour assurer la survie de l’espèce. Cette horde primitive, effrayée par le meurtre collectif commis et en portant le poids, décide en expiation d’interdire l’inceste et le parricide assurant ainsi la continuité de l’humanité.

Certaines fresques, abritées dans un décor de rêve, gigantesques rochers polis posés sur un lit de sable, comportent plus de 100 personnages et s’étendent, pour les plus belles sur 5 mètres. Comme dans tous les monuments au monde, quelques artistes très contemporains, ont rajouté leurs noms, des slogans de leurs choix ou des déclarations éternelles à leurs belles, à la peinture ou au charbon de bois. No comment, le temple de Bacchus à Baalbek en est couvert et les français de Bonaparte en Egypte en ont fait autant.

20 Novembre Massif de l’Uweinat, Incursion au Soudan

Le matin nous contournons l’Uweinat par le sud Sud-Est en direction du Soudan.
Nous tombons tout d’abord sur un ancien camp retranché libyen de la guerre Libye-Tchad. Adossé à la montagne, le camp est protégé par une ligne circulaire de trous de combat, certains dotés de fûts de 160 l de pétrole, permettant de maintenir verticales les parois du trou.
Les grottes à l’aplomb du camp recèlent quelques belles gravures, certaines recouvertes d’huile par les militaires pour les rendre plus visibles. Comme tous les camps, le site est couverts de déchets métalliques, conserves, douilles de fusils et de mitrailleuses lourdes.
Une citerne à essence détruite marque l’emplacement du site et le camion tracteur, couleur sable est situé à proximité. Toutes les pièces détachées récupérables ont disparu dont le moteur.
L’occupation a du se prolonger, car deux dalles de ciments ont été coulées pour construire des baraquements qui ont disparu, démontés ou brûlés au moment du départ.
Quelques kilomètres plus loin, nous tombons sur un poste de police construit dans des Algeco avec l’habituel souci de décoration en fûts de pétrole et de conserves rouillées. Des dizaines de carcasses de chameaux rappellent qu’il s’agit aussi d’un abattoir en plein air que des bouchers visitent régulièrement pour découper la viande sur pied des animaux apportés ici et laissés à la garde des pandores qui doivent probablement prélever une taxe clandestine.
Nous faisons tamponner nos passeports rapidement et plus loin tombons sur un ancien poste italien et son aérodrome, situé au pied d’une source souterraine sous des rochers. Il est occupé par trois militaires un peu clochardisés, au milieu d’un amas de détritus qui bat les records de saleté des camps précédents. Il y a plus de 60 ans de détritus italo-anglo-libyen superposés.
Prise par les anglais aux troupes italiennes, la citerne détruite conserve la signature d’un certain F. White, héritier d’une longue tradition de graffitis commencés par les hommes du néolithique.
Douche et shampoing pour tout l’équipage, au pied de la source. Quelques dizaines de mètres au-dessus, après une longue recherche, nous trouvons une grotte dont les gravures en abondance sont parmi les plus belles que nous ayons vu avec quelques spécimens polychromes.


Après la visite, pique-nique à 2 km au pied d’une grotte souterraine de plusieurs centaines de mètres de profondeur. Personnellement, je n’ai pas été vérifier la profondeur, mais l’ombre fournie à midi par les rochers de granit abaisse la température de 10°C et rend le site très apprécié au point que nous prolongeons les agapes par une sieste réparatrice.

L’après-midi, nous saisissons le prétexte de quelques gravures situées en territoire soudanais pour y faire une incursion. Mauvaise décision, car la traversée de champ de cailloux nous prend une partie de l’après-midi et fait souffrir pneus et suspension. L’équipier prend place sur le marche-pied pour repérer des passages moins caillouteux et dégager la route des pierres qui pourraient accrocher les ponts. Nous atteignons la butte rocheuse Man Rock, superbe éminence rocheuse dont le sommet évoque un doigt de géant ou un guetteur debout.
Plusieurs d’entre nous l’escaladent. La recherche de gravures est infructueuse pour les autres. Notre guide suggère un emplacement de bivouac qui se révèlera très difficile à atteindre en raison des cailloux et finalement un peu décevant malgré le lit de sable et quelques acacias. Nous campons en Libye à 180 mètres du Soudan que nous visiterons demain. Plus exactement nous franchirons la frontière sur 500 mètres de profondeur avant de rebrousser chemin, pour le simple plaisir d’y être allé.

11 Novembre. La piste des contrebandiers

11 Novembre. La piste des contrebandiers

Armistice ou pas, lever 6 heures, as usual, ce fut loin d’être un jour chômé, tant pis, nous récupérerons plus tard ce jour réputé férié. Le De Havilland 104, est encore à plus de 250 km. Le DH 104 est un avion de ligne qui fit un atterrissage en catastrophe, dans les années 60, pour être retrouvé en 2001, ses occupants ayant péri de soif.
La descente se fait par la grande mer de sable, sur un terrain plat à perte de vue et bordé de part et d’autre par des cordons dunaires. Nous roulons full speed ahead à une vitesse de 80 km/h et pourrions presque nous endormir pour nous réveiller en Egypte.
Sur la route, nous croisons l’épave d’une remorque de camion. Un artiste anonyme, animé d’un goût très sûr a dressé verticalement l’axe du pont arrière dans le sable et a achevé la décoration en le surmontant d’une théière. C’est très design et épuré.
Nous approcherons la frontière égyptienne, matérialisée par le méridien 25 Est jusqu’à 4 km au plus près de notre route. Pour ne pas franchir, la frontière, nous devrons couper le cordon dunaire à l’ouest.
Le passage assez raide donnera lieu à des descentes en schuss pour les plus habiles sur des pentes à 45° et des ensablements pour les plus malchanceux. Traction des véhicules ensablés avec des sangles et la caravane remet le cap au Sud-Sud-Ouest.
Le terrain est toujours d’une platitude désespérante et nous filons un bon 80 km/h.. Un casse-croûte au milieu de nulle part vers midi et nous aurons la visite inattendue d’une hirondelle égarée, intéressée par l’eau et nos restes alimentaires.
Après être repartis et un changement de cap, nous approchons de la frontière égyptienne pour atterrir sur un ancien poste de police. La baraque en bois, désaffectée, est entourée de barbelés et est à moitié enfouie sous les sables comme un bateau échoué, entouré de l’habituel décor de boites de conserves éparpillées. La dépouille momifiée d’un pétrel monte encore la garde à la frontière en lieu et place des gabelous libyens. C’est un peu Fort Apache, les indiens en moins.

En repartant nous croisons sur des kilomètres et des kilomètres les ornières, témoins de l’abondant trafic des convois de ravitaillement de Koufra après la prise par la colonne Leclerc, partie du Tchad en 1941. Des ornières plus récentes témoignent du passage des contrebandiers venus d’Afrique Subsaharienne. Jean-Pierre m’apprend avoir déjà retrouvé des traces en Egypte du passage d’auto-chenillettes partie en exploration en 1929. Contrairement à ce que je pensais, le vent n’efface pas les traces des passages.
En repartant, et après quelques kilomètres, le guide nous fait signe de nous arrêter après qu’il ai repéré des véhicules suspects. La consigne circule, si ces véhicules viennent vers nous, et qu’il ne s’agit pas de l’armée, demi-tour immédiatement et nous devrons foutre le camp et ne nous arrêter sous aucun prétexte. Ambiance et le guide n’a pas le sourire !
Les véhicules inconnus disparaissent et nous tombons sur des cheminées de pierre d’un grand diamètre et hautes de 2 mètres, résultat de l’expulsion d’un magma en provenance des entrailles de la terre.

Jean-Michel et Francis les géologues donneront des explications plus scientifiques que je n’ai pas retenues. Néanmoins, quelques silex taillés témoignent de l’occupation du site par les hommes du néolithique. Les spécimens que nous trouvons sont les déchets de la production de bifaces, comme les boites de conserves rouillées témoins d’une occupation plus récente. Quelques traces de serpent sur le sable incitent à la prudence et inspirent aux guides la perspective d’une chasse et pourquoi pas d’un bon repas.

Nous repartons cap au 155 en direction de l’arlésienne, le DH 104. Le paysage change et nous roulons au milieu de petites buttes de pierre sur un sol caillouteux. Ayant anticipé le changement de terrain, nous regonflons les pneus à 2 kilos. La voiture des guides, n’ayant pas de compresseur, dévisse une bougie et utilise les gaz de compression du moteur. Si le pneu pète, cela risque avec les vapeurs d’essence dans le pneu de déclencher un joli feu d’artifice.

La voiture de Jean-Georges, choisit cet instant pour tomber en panne de démarreur, sans doute sous l’effet de la chaleur. Franck se glisse sous la voiture et met en contact direct un fil de cuivre entre la batterie et le
démarreur. Contact, la voiture démarre au quart de tour.

Nous repartons et bivouaquons, encore à 100 km du DH 104, que nous devrions atteindre demain. Le bivouac se situe dans une cuvette pour échapper aux visites inopportunes.
Le terrain un peu caillouteux est déblayé avant de poser les tentes. La température est douce et il n’y a pas un souffle de vent. La navigation en fin de journée s’est faite avec les cartes satellites d’une précision hallucinante. La moindre butte est visible ainsi que la plus petite ondulation de sable. Les cartes russes sont aussi remarquablement fiables, seuls les caractères en cyrilliques sont incompréhensibles et donnent l’impression que nous nous sommes égarés jusque dans les profondeurs de l’Oural.
Une très bonne journée, clôturée par un confit de canard, pommes sarladaises arrosé d’un côte de Provence, entre autres boissons fortes. Nous sommes loin, très loin de l'ascétisme du désert prôné par des anachorètes comme Théodore Monod. Au nom de quoi faudrait il vivre comme des fakirs sous prétexte que nous sommes dans le désert ?
Demain, réveil 6 heures as usual.

Bir-Hakeim et Great Sand Sea 8 - 10 Novembre

8 et 9 Novembre. Bir-Hakeim

Après une route interminable en ligne droite en Direction d’Aljubaya, nous nous arrêtons pour bivouaquer, ce qui sera ma première nuit sous la tente. Hugues et Jean-Michel dormiront à la belle étoile alors que nous choisissons de monter nos tentes individuelles. Le vent souffle modérément, mais la température descend de 25° à 13° pendant la nuit. Encore peu habitué, je dors très mal et ai assez froid pendant la nuit. La prochaine fois, je me couvrirai davantage.
Le lendemain, petit déjeuner sur le pouce et toilette qui ferait honte à un chat. Vers 8h00, nous levons le camp en direction de Bir-Hakeim. Après 3 heures de route et le plein de gas-oil, nous quittons la route et atteignons le champs de bataille à une dizaine de kilomètres de la route goudronnée, par la piste.
Le site, heureusement déminé est encore parsemé de restes des combats, bidons rouillés et caisses de munitions par centaines, débris de barbelés partout.

La position de Bir-Hakeim, est contigüe d’un vieux fort turc,


lui-même, bâti sur d’ancienne citernes romaines, creusées dans le roc. Le fort turc, inoccupé pendant les combats à reçu sa part d’obus et de projectiles de tous calibres.
Par une échelle rouillée, nous descendons dans une citerne romaine souterraine vide, au pied du fort turc. Nous dérangeons une colonie de hannetons et un scorpion qui finira écrasé sous une pierre, victime collatérale et tardive des combats de 1942.
Nous visitons aussi, l’ancien cimetière des français libres, à 2 km de la position fortifiée, marqué par un monument pyramidal, décoré d’une croix de Lorraine, grand moment d’émotion.


Les noms des soldats tués ont été gravés sur des plaques de marbre brisées dont les morceaux ont été posés au pied du monument.

Des noms à consonnance française, arabe et indochinoise sont encore visibles. Jean-Marie et ses électeurs pourraient aussi se faire une certaine idée de la France, en visitant ce lieu de mémoire, mais cela c’est une autre histoire comme disait Kipling.
Les très rares visiteurs essaient d’en reconstituer le puzzle.
Il me revient à l'esprit la scène finale du film "La liste de Schindler", lorsque les survivants, en Israël, posent des années plus tard, des petites pierres sur la tombe du Juste Schindler.
Dans les années 60, le cimetière a été déplacé à Tobrouk, le port situé à 30 km au nord, lui-même enjeu des combats et qui tomba quelques jours après Bir-Hakeim.
Une fouille rapide sur le site ramène un bout de masque à gaz, quelques cartouches, un obus de 20 mm, un autre de 75 mm, un ceinturon, une chaussure et ce qui pourrait être le manteau d’un soldat italien.
A propos de ce manteau, certains d'entre nous aperçoivent la marque : Corea, Italy et pensent qu'il s'agit d'une guenille récente, made in Korea.  L'âge imprécis du manteau, la coupe ostensiblement militaire avec boutons et martingale nous ont induit en erreur car internet nous apprendra plus tard que la société Corea Impex a été créée en 1965.
Le fruit d'un quart d'heure de fouille
Le lieu des combats est plat à perte de vue et l’on pense aux chars italiens de la division Ariete et allemands de la 15e Panzer Division devant s’approcher à découvert pour se faire allumer par les canons de 75 mm, eux-mêmes bien enterrés et invisibles. Tous les emplacements de combats, pour certains cimentés, sont encore parfaitement visibles et entourés de bidons d’eau rouillés et de caisses de munitions, boites de mitrailleuses pour la plupart.

La ration journalière était néanmoins limitée à un litre d’eau par combattant, en plein mois de juin et des températures qui dépassent les 40°.
Peu de visiteurs font le détour vers le champ de bataille.

Ajout tardif.
Jean Schiettecatte ayant pris connaissance de ce Blog a eu la gentillesse d'envoyer quelques photos  d'un camp de la 1ere (et unique) Brigade Française Libre, prises à l'ouest de Tobrouk vers Derna et aux abords du Wadi Rahab.

Jean, au début des années 70 a travaillé à proximité de Tobrouk lors d'une mission de prospection pétrolière. Il précise qu'à l'époque, le terrain était encore miné.
Jean est tombé sur un lieu qui fut occupé par la 1ere Brigade Française Libre alors que les travaux de fortifications étaient en cours à Bir-Hakeim en avril 1942. D'après ses recherches, il s'agirait de Koenig's Plage, le Deauville local où par roulement les compagnies allaient prendre des bains de mer, pour se remettre de leurs travaux de bagnards.

Koenig's Plage du nom du Général commandant Bir-Hakeim
 A proximité de ce lieu paradisiaque mais où les Bikinis sont rares, Jean a retrouvé le cantonnement de la BFL avec de jolies allées tracées au cordeau avec des cailloux. Et oui, l'esprit de caserne et l'esthétisme géométrique chers aux militaires ne perdent pas leurs droits, même dans le désert.
Jean précise que :
"L'ensemble du camp mesurait environ 200 mètres de côté, avec des "avenues" bordées de pierres, et une place d'armes ornée de la croix de Lorraine. Il y avait également à proximité une piste d'atterrissage, qui avait été bombardée, et que j'avais fait réhabiliter pour nos opérations."


Les pauvres trouffions qui ont transpiré pour composer ce tableau minéral auraient-ils pu imaginer que nous le contemplerions 70 ans plus tard ?

Merci Jean.

Nous déjeunons rapidement sur place et repartons pour près de 300 km en direction de la Great Sand Sea. Nouveau plein des véhicules, j’en profite pour débrancher un tuyau d’arrosage des plantes, le temps de prendre une douche et de me décrasser en plein air, au cul des camions.


Coup de fil à Charles et Gaëlle dont c’est l’anniversaire.
Nous reprenons la route pour encore 200 km et arrivons à la nuit à notre nouveau lieu de bivouac. La voiture est orientée de façon à faire écran entre le vent et nos petites tentes. Repas très sympa, coq au vin et bien arrosé, vent nul, j’espère cette fois faire une nuit complète avant le réveil, prévu pour 6h00.
Franck passe une partie de la nuit à scier et redresser, je ne sais quelle partie de son châssis qui frotte sur je ne sais quoi.

10 Novembre. Great Sand Sea

Après une excellente nuit, nettement plus chaude, nous abordons aujourd’hui la grande mer de sable, Great Sand Sea sur les cartes, étendue de dunes de près de 300 km qui nous prendra 2 jours de route. Le matin, nous longeons la ligne Graziani, double rangée de barbelés de près de 500 km qui se termine sur la côte de la Méditerranée. Elle fut construite par les italiens, dans les années 30, pour contenir les incursions de tribus Senoussis. Elle est encore en excellent état, et le plus souvent, les vents ont accumulé du sable, formant un petit muret. Nous naviguons avec les cartes satellites d’une précision époustouflante, sur lesquelles les 2 lignes de barbelés sont parfaitement visibles.
Celles-ci nous permettrons de contourner plus tard un cordon de dunes problématique à franchir
Nous atteignons l’extrémité de la ligne Graziani, défendue par un fort italien.
Après l’avoir franchie, nous atteignons un gisement de fossiles marins, riche d’oursins, de coquilles d’huitres par milliers et de petits escargots de mer encore accrochés à flanc de collines.

Nous commençons à rouler dans le sable, dont la consistance évoque la neige poudreuse. Nous naviguons cap au 160 pour contourner les lacs salés asséchés dont la traversée corroderait irrémédiablement le châssis des voitures, faute d’eau pour pouvoir les rincer et nous entrons enfin dans la Great Sand Sea.
La pause déjeuner, en plein milieu de la piste, nous oblige à installer des tauds, toile de protection du soleil, entre les véhicules. Les tomates achetées au départ, la veille, sont les bienvenues. Nous croisons un convoi de 5 pick-up de contrebandiers qui remontent à vide vers le Nord et roulent plein gaz. Ils s’arrêtent à notre hauteur en dérapant dans le sable et nous saluent.
La route se poursuit, ponctuée de quelques ensablements, occasion de sortir les véhicules ensablées en assemblant des sangles de traction. Lorsque que le véhicule de tête s’ensable, les suivants le contournent largement et reviennent en marche arrière pour lui amarrer les sangles de traction. Le terrain relativement plat comprend quelques franchissements de dunes dont la pente en descente est parfois spectaculaire et il ne s'agit pas de partir en surf.
Des vagues de sable se forment sous les roues. Aloha!!!
Les guides choisissent de s’arrêter pour faire provision de bois de cuisine. Ce sera l’occasion de capturer un petit lézard, occupant assez courant des buissons d’épineux et heureusement pour lui trop petit pour être mangé.
La progression assez laborieuse, va se poursuivre sur des étendues, plates à perte de vue. Nous roulons comme des fous, véhicules de front lancés à 80 kilomètres heure. Notre train de pneus dégonflés à 1.2 kilos, 2 fois moins que la pression habituelle, ne nous permet pas de rouler plus vite. Nous couvrons près de 80 kilometres full speed, avant de nous arrêter au pied de dunes pour bivouaquer. La température, idyllique, nous offre l’occasion d’une douche intégrale.
Apéritif bien tassé, dîner et briefing pour préparer la route du lendemain qui devrait voir la fin de la Grande Mer de Sable ; L’objectif sera d’atteindre l’épave d’un avion de ligne, le légendaire de Havilland 104. La clarté des étoiles permet de reconnaître la Croix du Sud, Orion et son bouclier et Cassiopée en forme de W, pour celles dont je me souvienne.
La nuit s’annonce douce, sans un souffle de vent.