La citation du jour

Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche



23 novembre 2010

Bir-Hakeim et Great Sand Sea 8 - 10 Novembre

8 et 9 Novembre. Bir-Hakeim

Après une route interminable en ligne droite en Direction d’Aljubaya, nous nous arrêtons pour bivouaquer, ce qui sera ma première nuit sous la tente. Hugues et Jean-Michel dormiront à la belle étoile alors que nous choisissons de monter nos tentes individuelles. Le vent souffle modérément, mais la température descend de 25° à 13° pendant la nuit. Encore peu habitué, je dors très mal et ai assez froid pendant la nuit. La prochaine fois, je me couvrirai davantage.
Le lendemain, petit déjeuner sur le pouce et toilette qui ferait honte à un chat. Vers 8h00, nous levons le camp en direction de Bir-Hakeim. Après 3 heures de route et le plein de gas-oil, nous quittons la route et atteignons le champs de bataille à une dizaine de kilomètres de la route goudronnée, par la piste.
Le site, heureusement déminé est encore parsemé de restes des combats, bidons rouillés et caisses de munitions par centaines, débris de barbelés partout.

La position de Bir-Hakeim, est contigüe d’un vieux fort turc,


lui-même, bâti sur d’ancienne citernes romaines, creusées dans le roc. Le fort turc, inoccupé pendant les combats à reçu sa part d’obus et de projectiles de tous calibres.
Par une échelle rouillée, nous descendons dans une citerne romaine souterraine vide, au pied du fort turc. Nous dérangeons une colonie de hannetons et un scorpion qui finira écrasé sous une pierre, victime collatérale et tardive des combats de 1942.
Nous visitons aussi, l’ancien cimetière des français libres, à 2 km de la position fortifiée, marqué par un monument pyramidal, décoré d’une croix de Lorraine, grand moment d’émotion.


Les noms des soldats tués ont été gravés sur des plaques de marbre brisées dont les morceaux ont été posés au pied du monument.

Des noms à consonnance française, arabe et indochinoise sont encore visibles. Jean-Marie et ses électeurs pourraient aussi se faire une certaine idée de la France, en visitant ce lieu de mémoire, mais cela c’est une autre histoire comme disait Kipling.
Les très rares visiteurs essaient d’en reconstituer le puzzle.
Il me revient à l'esprit la scène finale du film "La liste de Schindler", lorsque les survivants, en Israël, posent des années plus tard, des petites pierres sur la tombe du Juste Schindler.
Dans les années 60, le cimetière a été déplacé à Tobrouk, le port situé à 30 km au nord, lui-même enjeu des combats et qui tomba quelques jours après Bir-Hakeim.
Une fouille rapide sur le site ramène un bout de masque à gaz, quelques cartouches, un obus de 20 mm, un autre de 75 mm, un ceinturon, une chaussure et ce qui pourrait être le manteau d’un soldat italien.
A propos de ce manteau, certains d'entre nous aperçoivent la marque : Corea, Italy et pensent qu'il s'agit d'une guenille récente, made in Korea.  L'âge imprécis du manteau, la coupe ostensiblement militaire avec boutons et martingale nous ont induit en erreur car internet nous apprendra plus tard que la société Corea Impex a été créée en 1965.
Le fruit d'un quart d'heure de fouille
Le lieu des combats est plat à perte de vue et l’on pense aux chars italiens de la division Ariete et allemands de la 15e Panzer Division devant s’approcher à découvert pour se faire allumer par les canons de 75 mm, eux-mêmes bien enterrés et invisibles. Tous les emplacements de combats, pour certains cimentés, sont encore parfaitement visibles et entourés de bidons d’eau rouillés et de caisses de munitions, boites de mitrailleuses pour la plupart.

La ration journalière était néanmoins limitée à un litre d’eau par combattant, en plein mois de juin et des températures qui dépassent les 40°.
Peu de visiteurs font le détour vers le champ de bataille.

Ajout tardif.
Jean Schiettecatte ayant pris connaissance de ce Blog a eu la gentillesse d'envoyer quelques photos  d'un camp de la 1ere (et unique) Brigade Française Libre, prises à l'ouest de Tobrouk vers Derna et aux abords du Wadi Rahab.

Jean, au début des années 70 a travaillé à proximité de Tobrouk lors d'une mission de prospection pétrolière. Il précise qu'à l'époque, le terrain était encore miné.
Jean est tombé sur un lieu qui fut occupé par la 1ere Brigade Française Libre alors que les travaux de fortifications étaient en cours à Bir-Hakeim en avril 1942. D'après ses recherches, il s'agirait de Koenig's Plage, le Deauville local où par roulement les compagnies allaient prendre des bains de mer, pour se remettre de leurs travaux de bagnards.

Koenig's Plage du nom du Général commandant Bir-Hakeim
 A proximité de ce lieu paradisiaque mais où les Bikinis sont rares, Jean a retrouvé le cantonnement de la BFL avec de jolies allées tracées au cordeau avec des cailloux. Et oui, l'esprit de caserne et l'esthétisme géométrique chers aux militaires ne perdent pas leurs droits, même dans le désert.
Jean précise que :
"L'ensemble du camp mesurait environ 200 mètres de côté, avec des "avenues" bordées de pierres, et une place d'armes ornée de la croix de Lorraine. Il y avait également à proximité une piste d'atterrissage, qui avait été bombardée, et que j'avais fait réhabiliter pour nos opérations."


Les pauvres trouffions qui ont transpiré pour composer ce tableau minéral auraient-ils pu imaginer que nous le contemplerions 70 ans plus tard ?

Merci Jean.

Nous déjeunons rapidement sur place et repartons pour près de 300 km en direction de la Great Sand Sea. Nouveau plein des véhicules, j’en profite pour débrancher un tuyau d’arrosage des plantes, le temps de prendre une douche et de me décrasser en plein air, au cul des camions.


Coup de fil à Charles et Gaëlle dont c’est l’anniversaire.
Nous reprenons la route pour encore 200 km et arrivons à la nuit à notre nouveau lieu de bivouac. La voiture est orientée de façon à faire écran entre le vent et nos petites tentes. Repas très sympa, coq au vin et bien arrosé, vent nul, j’espère cette fois faire une nuit complète avant le réveil, prévu pour 6h00.
Franck passe une partie de la nuit à scier et redresser, je ne sais quelle partie de son châssis qui frotte sur je ne sais quoi.

10 Novembre. Great Sand Sea

Après une excellente nuit, nettement plus chaude, nous abordons aujourd’hui la grande mer de sable, Great Sand Sea sur les cartes, étendue de dunes de près de 300 km qui nous prendra 2 jours de route. Le matin, nous longeons la ligne Graziani, double rangée de barbelés de près de 500 km qui se termine sur la côte de la Méditerranée. Elle fut construite par les italiens, dans les années 30, pour contenir les incursions de tribus Senoussis. Elle est encore en excellent état, et le plus souvent, les vents ont accumulé du sable, formant un petit muret. Nous naviguons avec les cartes satellites d’une précision époustouflante, sur lesquelles les 2 lignes de barbelés sont parfaitement visibles.
Celles-ci nous permettrons de contourner plus tard un cordon de dunes problématique à franchir
Nous atteignons l’extrémité de la ligne Graziani, défendue par un fort italien.
Après l’avoir franchie, nous atteignons un gisement de fossiles marins, riche d’oursins, de coquilles d’huitres par milliers et de petits escargots de mer encore accrochés à flanc de collines.

Nous commençons à rouler dans le sable, dont la consistance évoque la neige poudreuse. Nous naviguons cap au 160 pour contourner les lacs salés asséchés dont la traversée corroderait irrémédiablement le châssis des voitures, faute d’eau pour pouvoir les rincer et nous entrons enfin dans la Great Sand Sea.
La pause déjeuner, en plein milieu de la piste, nous oblige à installer des tauds, toile de protection du soleil, entre les véhicules. Les tomates achetées au départ, la veille, sont les bienvenues. Nous croisons un convoi de 5 pick-up de contrebandiers qui remontent à vide vers le Nord et roulent plein gaz. Ils s’arrêtent à notre hauteur en dérapant dans le sable et nous saluent.
La route se poursuit, ponctuée de quelques ensablements, occasion de sortir les véhicules ensablées en assemblant des sangles de traction. Lorsque que le véhicule de tête s’ensable, les suivants le contournent largement et reviennent en marche arrière pour lui amarrer les sangles de traction. Le terrain relativement plat comprend quelques franchissements de dunes dont la pente en descente est parfois spectaculaire et il ne s'agit pas de partir en surf.
Des vagues de sable se forment sous les roues. Aloha!!!
Les guides choisissent de s’arrêter pour faire provision de bois de cuisine. Ce sera l’occasion de capturer un petit lézard, occupant assez courant des buissons d’épineux et heureusement pour lui trop petit pour être mangé.
La progression assez laborieuse, va se poursuivre sur des étendues, plates à perte de vue. Nous roulons comme des fous, véhicules de front lancés à 80 kilomètres heure. Notre train de pneus dégonflés à 1.2 kilos, 2 fois moins que la pression habituelle, ne nous permet pas de rouler plus vite. Nous couvrons près de 80 kilometres full speed, avant de nous arrêter au pied de dunes pour bivouaquer. La température, idyllique, nous offre l’occasion d’une douche intégrale.
Apéritif bien tassé, dîner et briefing pour préparer la route du lendemain qui devrait voir la fin de la Grande Mer de Sable ; L’objectif sera d’atteindre l’épave d’un avion de ligne, le légendaire de Havilland 104. La clarté des étoiles permet de reconnaître la Croix du Sud, Orion et son bouclier et Cassiopée en forme de W, pour celles dont je me souvienne.
La nuit s’annonce douce, sans un souffle de vent.

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