26 Novembre L’anniversaire de Francis
La réparation de la voiture de Jean-Michel par un mécano de Tazerbo s’est bien passée. Le pont avant, tordu par le choc, a été redressé avec un cric de camion de 32 tonnes de poussée, qui a fait revenir le pont dans son état d’origine. La fuite d’huile, légère, est colmatée et nous atteignons un bivouac dans la palmeraie à la nuit tombée. Bilan matériel, 70 dinars (40 euros), une heure de boulot pour un travail impeccable qui aurait coûté 2.000 euros en France et immobilisé la voiture 10 jours. Mes salutations aux garagistes libyens et français.
Excellente nuit réparatrice après une journée où notre moral a été un peu secoué par l’accident de la veille. Au matin Jean-Michel et Hugues vident leur voiture entièrement et les alentours se transforment en Grande Braderie de Lille. C’est fou ce que l’on peut faire avec des vieux cartons, des rondelles de chambres à air et autres impedimenta pour emballer tout un bazar. Notre géologue a embarqué près de 200 kilos de cailloux, tous plus rares et indispensables les uns que les autres.
Au petit déjeuner, nous voyons à peu de distance un palmier s’enflammer et produire un feu de la Saint-Jean de bonne taille. En nous précipitant, avec des pelles et du sable, le sinistre est immédiatement circonscrit. Explication technique, l’une des dames du groupe s’est isolée pour un besoin naturel. Voulant laisser un site absolument vierge et dans un souci de développement durable, elle a enflammé le papier utilisé. Paf, les palmes du palmier prennent feu.
Bonjour le bilan carbone de l’opération, comme quoi, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Personnellement, je continue de déposer le fruit de mes entrailles dans un trou de sable, à la disposition des générations futures.
C’est maintenant un transit vers l’ouest qui nous attend, avec 1.500 km et 9 jours avant de retrouver une ville.
Nous partons vers l’ouest pour avaler quasiment d’une traite une piste plate comme une autoroute de 12 km de large et bordée de cordon dunes de part et d’autre. Trajet sans intérêt si ce n’est la compagnie à la radio de l’émission Rendez Vous Avec X de l’excellent Patrick Pesnot sur France Inter. Avec sur notre Ipod, 500 émissions en stock d’une heure chacune, nous avons de quoi voir venir.
Après un final très cassant de 20 km et un paysage assez moche et caillouteux nous atteignons un lieu de bivouac exceptionnel au sein de buttes de Tamaris pétrifiés depuis plus de 1.000 ans. Une petite centaine de buttes de plus de 10 m de haut et de probablement 100 m de circonférence, forment le site. Chacune est couverte de bois mort et de troncs aux formes déchirées par les vents. Le lieu est plat et recouvert de sable.
Nous fêtons, ce soir, l’anniversaire de Francis, ce qui vaudra un repas amélioré à l’équipage, selon une vieille tradition maritime. Au menu : Punch au Rhum, Toasts au fois gras, couscous collectif préparé par les guides, steak de vache acheté à Tazerbo, grillée sur un lit de braises, gâteau au pain d’épice arrosé d’un excellent rouge dont l’importation est prohibée dans la Grande Jamahirya Libyenne. S’il est vrai que les français ont tous les défauts en voyage, râleurs, indisciplinés, suffisants etc…, il leur sera sûrement beaucoup pardonné au jour du jugement dernier, en raison de leur amour de la bonne chère.
Au dessert, séance de Karaoké avec le « Blues du Dentiste » de Boris Vian au top du Hit Parade. Nos choristes ne valent peut être pas ceux de l’Armée Rouge, mais je ne crois pas que ces derniers se soient jamais produits aussi au Sud.
Francis reçoit un cadeau assez inattendu sous la forme d’une boite d’Halwa, grand format, au moins 100.000 calories, dont nous avions déjà remarqué qu’il semblait particulièrement friand. Un couvercle de boite de vache qui rit, piqueté d’une couronne de bougies fait un excellent ersatz de gâteau d’anniversaire.
Francis, très ému, remercie l’ensemble du groupe et se lance dans des embrassades.
Demain, direction la 8e merveille du monde, le cratère du volcan éteint, le Waw Namus.
27 Novembre L’ascension du Waw Namus
120 kilomètres avant d’atteindre le volcan.
Dès la sortie du bivouac, nous tombons sur une nouvelle épave peu connue d’un camion Ford Canada modèle 40 de la seconde guerre mondiale.
En état, relativement correct, toutes les pièces détachées ont disparu. Le plateau arrière est particulièrement long, ce qui ne plaide pas en faveur de sa maniabilité dans ce terrain cahotique.
En état, relativement correct, toutes les pièces détachées ont disparu. Le plateau arrière est particulièrement long, ce qui ne plaide pas en faveur de sa maniabilité dans ce terrain cahotique.
Camion 4x4 appartenant peut être au Long Range Desert Group, ce camion a eu un temps de service relativement court avant d’être remplacé par les Chevrolet dont nous avons vu 3 exemplaires dans le Djebel Sherif.
Après être reparti, nous prenons le temps de visiter un autre site encore plus grand de buttes de Tamaris pétrifié.
Nous atteignons enfin le volcan Waw Namus. Cela signifie en arabe le W des moustiques, la lettre W s’écrivant comme un 9 horizontal, forme prise très nettement par le volcan vu du ciel.
20 km avant le cratère, le sable devient subitement noir, couvert des résidus de cendres de l’éruption et il ne faut pas s’écarter de la piste sous peine de s’envoler sur des barcanes. Les barcanes sont des ondulations de sable solidifié. Tout le monde connaît les pistes qui parfois semblent couverte de tôle ondulée. Par comparaison, une barcane a la même consistance mais peut atteindre un mètre de haut et a souvent la forme d’un croissant. Ces ondulations ont des formes très agréables comme les sirènes mais peuvent s’avérer aussi dangereuses pour les navigateurs. Un choc frontal et c’est la casse du pont ou l’envol, au choix.
Nous arrivons devant le volcan situé au bas d’une cuvette de 5 kilomètres de diamètre aux parois assez abruptes mais où existent des passages en descente pour nos véhicules.
Le volcan de 300 mètres de haut est bordé au bas par 3 lacs d’eau salée en forme de larmes et dont les rives sont couvertes de roseaux. Quelques palmiers poussent aussi et l’un des lacs, riche en saumure est de couleur rouge.
Plusieurs d’entre nous entament l’escalade facile du volcan et nous atteignons les bords du cratère après une demi-heure de marche. Jean-Michel nous apprend que nous avons eu de la chance de voir le volcan en l’état car les sismologues prévoient une éruption entre 2012 et 2014. Le poste de police du volcan a d’ailleurs été évacué en prévision.
L’après midi, nous repartons 60 km au Nord rejoindre le Waw el Kebir par une piste un peu cassante et nous bivouaquons à quelques kilomètres pour éviter la base militaire qui est zone interdite : Streng Verboten.
Une bonne douche dans un motel pourri, le seul à 400 km à la ronde, marque la fin de l’après midi et nous bivouaquons à proximité.
28 Novembre Djebel Ghenaima. 24°50 N – 15° 37 E.
Nous repartons au sud dans l’idée d’aller voir quelques gravures rupestres peu connues. La piste de la journée est extrêmement caillouteuse et couverte de terre, sable et cailloux en tôle ondulée. Les voitures souffrent un peu et l’allure est lente. L’Ipod et les émissions « 2000 ans d’histoire » permettent de moins nous ennuyer sur cette piste de m… (ou pistachier en langage technique).
L’après-midi, l’allure s’accélère sur un terrain plat et nous arrivons à 13 km au nord des gravures. Un cordon de dunes nous barre la route, nous obligeant à descendre au sud par un détour de 50 km. Quelques ensablements ponctuent nos tentatives de franchissement du cordon que nous contournons finalement à son extrémité. Quelques coups de pelles et surtout le remorquage du véhicule par la sangle de traction, accrochée à un autre véhicule dont les pneus sont posés sur une surface plus dure, nous sortent facilement du sable.
Nous contournons le cordon de dunes ce qui nous amène à 20 km au sud du point à rallier, riche en gravures dont des spécialistes du Museum avaient donné les coordonnées à Francis avant le départ.
Par une piste un peu difficile et caillouteuse, nous longeons le bord du plateau qui nous intéresse et arrivons devant l’entrée du Wadi (Oued ou lit de rivière asséché), large de plus de 800 m et bordée de parois rocheuses de plus de 50 m, riches en abris naturels et donc endroit possible de gîtes néolithiques.
Une journée de transit moyenne et fatigante mais rattrapée par une bonne soirée autour d’un feu de camp, dont Giji est le spécialiste.
L’eau de feu et les boissons anisées coulent à profusion. Voulant ranger une lampe qui traîne, je la pose dans un porte-gobelet d’un fauteuil qui contient un verre, lui-même plein de vin.
- Merde, je crois que j’ai fait une connerie.
Seul Franck l’a vu et ne dit rien. La lampe est toute propre et je n’en dirai pas autant du contenu du verre. Sa propriétaire, quelques instant après, semble, néanmoins l’apprécier.
Pendant la soirée, les guides sont partis à la chasse et rapportent 4 lièvres. Demain, civet de lièvre à la berrichonne. Un conseil pratique, pour ceux qui voudraient tenter le même voyage, n’emporter de la nourriture que pour un jour sur deux, le reste étant fourni par les achats de vivres frais ou la chasse.
29 Novembre Gravures et aviation libyenne dans le Wadi.
La journée commence très bien. Hugues voulant satisfaire un besoin naturel et légitime sort son engin à tête chercheuse, ainsi surnommerons nous son appendice caudal. Au moment de s’exécuter, il tombe sur une gravure splendide : une vache pleine d’un petit veau, c’est très rare.
Devant ses qualités de chien d’arrêt, nous sommes tentés de lui offrir une bière pour que son engin nous déniche de nouvelles gravures. Au prix de la bière, ici, nous renonçons et utilisons des méthodes de recherches habituelles et éprouvées.
Nous explorons les alentours sur 100 m et trouvons plus d’une vingtaine de gravures de belle facture. Une dalle plate de quelques kilos est gravée de superbes girafes. Nous la photographions et pour éviter un pillage trop facile, la retournons, prenons les coordonnées et la camouflons pour éviter qu’elle ne soit volée ultérieurement au profit de collectionneurs avides.
Jean-Michel remarque que l’empilement de dalles sur des gravures, suggère un tremblement de terre postérieur aux gravures.
En quittant le site, nous sommes survolés en rase-mottes, à plusieurs reprises, par un avion militaire à hélice de l’aviation libyenne et ayant probablement décollé de la base Waw el Kebir. Le pilote effectue quelques passes à basse altitude pour nous identifier. Le camion de Franck de couleur vert-kaki a du l’interpeller. Convaincu que nous ne sommes pas membres d’Al Qaîda, il nous salue de trois battement d’aile et repart.
Le pilote a du bien s’éclater à voler entre les parois du Wadi et cela lui fera de la matière pour son rapport, dans un lieu désert à plus de 400 km à la ronde.
Le pilote a du bien s’éclater à voler entre les parois du Wadi et cela lui fera de la matière pour son rapport, dans un lieu désert à plus de 400 km à la ronde.
C'est pas cet avion qui nous survole mais il est plus beau. Normal ... c'est un Yak-3, ceux de l'escadrille Normandie-Niemen |
Nous avançons dans le fond du Wadi et à 2 km, tombons sur 2 nouveaux sites riches en gravures. L’une d’entre elle représente une femme ou un homme et son enfant, extrêmement bien dessinés, aux formes longilignes.
Après inventaire et photos du site, nous déjeunons à l’entrée du Wadi et repartons 15 km plus au nord vers un autre wadi, tout aussi accueillant, sable, parois rocheuses rouges et acacias verts dans le fond.
Le site contient nombre de silex taillés du néolithique : bifaces, pointes de flèches, haches. Il y a aussi de nombreuses coquilles d’œufs d’autruches, utilisées pour conserver l’eau.
Pour une fois, nous n’arrivons pas au bivouac à la nuit tombée et certains, dont je suis, en profitent pour se la couler douce pendant que d’autres stakhanovistes continuent leurs recherches.
Le soir, nouvelle partie de chasse, mais résultat un peu décevant, l’équipe des guides l’emporte par un petit 1-0 contre l’équipe des lièvres, mais il parait que les buts marqués à l’extérieur compte double en championnat.
Harry Belafonte anime le dîner pendant que nous dégustons les lièvres à la Berrichonne.
Harry Belafonte - Day O by nick talope
Harry Belafonte anime le dîner pendant que nous dégustons les lièvres à la Berrichonne.
Harry Belafonte - Day O by nick talope
Harry Belafonte ? Mon oeil. On t’a reconnu Abd el Basset, le braconnier |
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