La citation du jour

Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche



24 novembre 2010

Uweinat, Djebel Sherif et Koufra...21 au 24 Novembre

21 Novembre Massif de l’Uweinat, Plantage et Labourage de cailloux.

Notre guide insiste le matin pour que nous reprenions au Nord-Ouest afin que les policiers et militaires libyens ne pensent pas que nous venions du Soudan. Très mauvaise décision, car nous perdons la matinée dans des champs de cailloux pour finalement rebrousser chemin et prendre la piste au Sud que les cartes russes et satellites rendent bien visible.
L’un des véhicule restera planté une heure à dégager ses ponts posés sur des rochers. C’est finalement l’IVECO, transformé en camping-car qui s’en sort le mieux avec sa garde au sol importante et ses pneus énormes. Les Toyotistes peinent comme des forçats de Cayenne à casser des cailloux et à les dégager du chemin. Comme dans la cavalerie, nous ménageons notre monture pour voyager loin. A l’heure où j’écris, j’attends avec impatience la soufflante que va se prendre le guide au retour des deux véhicules en rade.
Pour être juste, c’est la seule erreur commise, après une navigation sans faille depuis le départ. Bravo Ali, tu te débrouilles comme un chef, avec cette cohorte de Françouses indisciplinés et râleurs.

Finalement, rien ne se passe et nous repartons vers le poste de police récupérer nos passeports, non sans avoir fait l’incursion de 500 mètres prévue au Soudan, histoire de dire que nous y sommes passés et prenons une photo souvenir devant un panneau rouillé matérialisant la frontière.
Jean-Michel a un pied au Soudan
Nous déjeunons à l’abri de grottes ce qui a pour avantage d’abaisser la température étouffante de midi d’au moins 10°C et rendre le casse-croûte très agréable. Nous remontons vers le nord en direction de Koufra, refaire les pleins de gas-oil, pas loin de 270 litres en ce qui nous concerne, jerry-cans compris.
En filant plein pot, nous nous bivouaquons, une fois de plus dans un lieu magique, au pied d’elephant rock. Elephant rock, ainsi nommé, est un immense rocher où sont gravés, des girafes, encore des girafes, mais aussi la représentation la plus au nord de l’Afrique connue, d’un éléphant.

22 Novembre « Incident at Djebel Sherif »

Nous mettons le cap, au Nord-Ouest, en direction de lieux de combats ayant opposé les anglais du Long Range Desert Group aux italiens de la Compagnia Sahariana au printemps 1941.
Nous tentons de comprendre la position du point, dans le Djebel Sherif, à partir des explications vaseuses du guide. Celui-ci se repère à vue et ne lit pas les cartes. Notre point estimé est en fait à 60 km du lieu réel. Après quelques détours et alors que nous sommes prêts à abandonner les recherches, le guide retrouve le lieu de l’embuscade. A la décharge d’Abd-el-Basset, il faut rappeler qu’il est toujours venu par le Nord et qu’il est le vrai découvreur des lieux du site retrouvé seulement en 2008. Pour le coup d’après, Abd el Basset se fait communiquer le point.

Le site est resté dans son jus, figé exactement comme à l'issue des combats, qui ont eu lieu le 31 janvier 1941, précédant la prise de Koufra par la colonne Leclerc.

Les camions Chevrolet du Long Range Desert Group sont repérés par l'aviation italienne qui conduit vers eux la Compania Sahariana de Kufra qui capturera la patrouille britannique à l'issue d'un engagement qui fit un mort de part et d'autre.

Voici les camions en vue d'artiste.

et ce qu'il en reste aujourd'hui.






Trois camions Chevrolet anglais ont été détruits et un camion italien FIAT a été incendié, après les combats, par une unité de la France Libre qui a enseveli les corps.
Le lieu abandonné depuis, n’a été redécouvert qu’en 2008, grâce aux travaux d’un suisse, dont le nom m’échappe qui en a tiré un bouquin superbe « Incident at Djebel Sherif ». Les photos, prises en 1940, et retrouvées par l’auteur suisse, sont exactement semblables aux photos actuelles et le site est en parfait état.
De nombreux chargeurs circulaires de mitrailleuses anglaises Lewis, jonchent le sol, au pied des camions, ayant explosé à la suite de l’incendie des véhicules.

Les balles et douilles sont encore encastrées dans les chargeurs et je trouve une boite de balles de mitrailleuses, déformée par l’explosion des munitions qu’elle contenait, impact de la balle d’un côté et déformation par les douilles de l’autre.
Deux tombes, ont été creusées au pied des camions et le suisse a eu le geste élégant de les recouvrir d’un drapeau italien et d’un drapeau néo-zélandais, maintenant un peu décolorés par le soleil.

En effectuant des recherches quelques mois plus tard, j'apprends que le site avait déjà été explorés à deux  reprises. La première fois en 1963 par l'expédition Sandhurst qui en a rapporté quelques photos.



Nous repartons en direction de Koufra, mais nous arrêtons bivouaquer à 60 km juste avant le coucher du soleil.

23 Novembre Koufra et ses Orgues de Staline

On dirait un autocar



En arrivant sur Koufra, par une piste sableuse et assez roulante, nous avons droit en bonus, à la visite d’un avion de passagers qui a atterri sur le ventre, train rentré, sans trop de casse. La queue et les 2 moteurs ont disparu, cannibalisés par les ferrailleurs du désert qui les prennent en récompense comme des Toréros. Il ne reste donc que le fuselage et des moignons d’ailes.
Photos souvenirs, mais c’est nettement moins impressionnant que le De Havilland 104.
occasion à saisir, très peu volée, prix à débattre
L’avion, un Fokker-27 Friendship des années 60, bi-moteurs, semblait pouvoir embarquer une petite trentaine de passagers. Après vérification dans la documentation, il apparait que l'avion s'est posé sur le ventre, à court d'essence, à 56 km de Koufra. Le crash a eu lieu le 28 novembre 1981 et n' a pas fait de victime. Ils ont quand même du avoir les chocottes. Avaient-ils mis leurs gilets de sauvetage ?
Fokker F-27 ferraillé au Sénégal

Arrivé à Koufra, nous reprenons contact avec la civilisation.
Façon de parler, car la route que nous rejoignons est défoncée, et barrée par des ornières, en touches à piano. Les environs sont jonchés d’ordure et après avoir regonflé nos pneus, nous filons abreuver nos montures de près de 300 litres de gas-oil.
Achat de vivres frais, douche chaude à la station service, d’une saleté indescriptible et après un petit tour au cyber-café, le guide nous emmène bivouaquer à la périphérie dans un coin sympa.

Les fantômes des combats nous poursuivent, car, par hasard, à 300 m nous tombons sur trois camions soviétiques, pulvérisés par des roquettes, tirs d’obus et balles de mitrailleuses et balles d’AK-47.
c'est pas nous qui l'avons renversé

Effectivement c'est bien un 6x6


Décidément, on a le sens de la fête en Libye.
Les camions probablement de marque Oural, nous lisons mal le cyrillique, portaient chacun des rangées de tubes de roquettes, les célèbres Orgues de Staline. Ces tubes jonchent le sol et les carcasses des véhicules criblées d’éclats et de balles ont brûlé.
La portière ornée de l'éclair soviétique

Pas terrible de laisser trainer des bouts de roquettes


Le système optique de visée n'a pas souffert de son long séjour dans le sable

Nous aurons l’explication, le soir, en comprenant que nous campons dans un champ de tir de l’armée libyenne. J’espère qu’il ne leur prendra pas l’idée de venir nous straffer et nous bombarder au milieu de la nuit, car je ne saurai pas comment expliquer cela à Europ-Assistance.


Quelques semaines plus tard et bien au chaud, j'essaie d'en savoir un peu plus long sur ces braves camions OURAL. Voici ce que nous apprend internet :

Le lance-roquettes multiple BM-21 de 122 mm a été adopté au début des années soixante pour devenir le modèle courant de LRM des armées du pacte de Varsovie et des clients de l'Union Soviétique de l'époque. 
Le BM-21 du pacte de Varsovie de l'époque se trouve aussi bien sur le camion 6 x 6 Ural-375D que sur le camion ZIL-131 dans sa version plus récente à 36 coups désignée par l'OTAN sous l'appellation M1976. 
La roquette de 122 mm peut recevoir une tête fumigène, à fragmentation, incendiaire ou chimique, et le lanceur est chargé si nécessaire avec des projectiles de différents types. La plupart des versions de BM-21 ont déjà servi dans les divers conflits mondiaux, le modèle le plus récent ayant été expérimenté contre les résistants en Afghanistan.
Le voilà avant qu'il ne soit réduit en purée et en dentelles par les Libyens.


En train de faire le Kakou sur la Place Rouge
Warschawjanka by nick talope


24 Novembre Coincés à Koufra

Une matinée de perdue à faire viser nos passeports par des fonctionnaires fantômes…
Nous allons faire les soldes à Koufra et achetons des compresseurs bi-cylindres et des crics hydrauliques.
L’élégance française ne perd pas ses droits et nous achetons tous le dernier modèle de combinaison de prospecteur pétrolier, voir photos. Très ajustée à la taille, couleur moutarde, manche courte, bariolée de badges et de broderies en arabe, cette combinaison de mécano sera, à coup sûr, la tendance de l’été 2011. En attendant, elles sont super confortables et donnent aux équipages un air de pilotes de rallye.


Nous repartons au Nord de Koufra sur une cinquantaine de kilomètres par une route défoncée, construite le long des canalisations enterrées qui pompent l’eau fossile du Sahara et l’acheminent vers les villes de la côte libyenne. Plus de 2.000 km de canalisation de 4 mètres de section ont été construite pour ce projet appelé Great Man Made River. Nous bifurquons ensuite plein ouest en direction de l’oasis de Beyzaima qui abrite un lac salé.

Le paysage est exceptionnel de dunes rondes, avec très peu de traces et nous roulons à forte vitesse. Nous croisons encore un dépôt d’essence abandonné du Long Range Desert Group où nous ne nous arrêtons pas, mais plus loin prenons quelques échantillons de bois fossile vitrifié.


Nous sommes encore à 60 kilomètres de l’oasis lorsque la nuit tombe et bivouaquons entre les dunes dans un site vide et superbe. Excellente après midi.

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