La citation du jour

Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche



23 novembre 2010

11 Novembre. La piste des contrebandiers

11 Novembre. La piste des contrebandiers

Armistice ou pas, lever 6 heures, as usual, ce fut loin d’être un jour chômé, tant pis, nous récupérerons plus tard ce jour réputé férié. Le De Havilland 104, est encore à plus de 250 km. Le DH 104 est un avion de ligne qui fit un atterrissage en catastrophe, dans les années 60, pour être retrouvé en 2001, ses occupants ayant péri de soif.
La descente se fait par la grande mer de sable, sur un terrain plat à perte de vue et bordé de part et d’autre par des cordons dunaires. Nous roulons full speed ahead à une vitesse de 80 km/h et pourrions presque nous endormir pour nous réveiller en Egypte.
Sur la route, nous croisons l’épave d’une remorque de camion. Un artiste anonyme, animé d’un goût très sûr a dressé verticalement l’axe du pont arrière dans le sable et a achevé la décoration en le surmontant d’une théière. C’est très design et épuré.
Nous approcherons la frontière égyptienne, matérialisée par le méridien 25 Est jusqu’à 4 km au plus près de notre route. Pour ne pas franchir, la frontière, nous devrons couper le cordon dunaire à l’ouest.
Le passage assez raide donnera lieu à des descentes en schuss pour les plus habiles sur des pentes à 45° et des ensablements pour les plus malchanceux. Traction des véhicules ensablés avec des sangles et la caravane remet le cap au Sud-Sud-Ouest.
Le terrain est toujours d’une platitude désespérante et nous filons un bon 80 km/h.. Un casse-croûte au milieu de nulle part vers midi et nous aurons la visite inattendue d’une hirondelle égarée, intéressée par l’eau et nos restes alimentaires.
Après être repartis et un changement de cap, nous approchons de la frontière égyptienne pour atterrir sur un ancien poste de police. La baraque en bois, désaffectée, est entourée de barbelés et est à moitié enfouie sous les sables comme un bateau échoué, entouré de l’habituel décor de boites de conserves éparpillées. La dépouille momifiée d’un pétrel monte encore la garde à la frontière en lieu et place des gabelous libyens. C’est un peu Fort Apache, les indiens en moins.

En repartant nous croisons sur des kilomètres et des kilomètres les ornières, témoins de l’abondant trafic des convois de ravitaillement de Koufra après la prise par la colonne Leclerc, partie du Tchad en 1941. Des ornières plus récentes témoignent du passage des contrebandiers venus d’Afrique Subsaharienne. Jean-Pierre m’apprend avoir déjà retrouvé des traces en Egypte du passage d’auto-chenillettes partie en exploration en 1929. Contrairement à ce que je pensais, le vent n’efface pas les traces des passages.
En repartant, et après quelques kilomètres, le guide nous fait signe de nous arrêter après qu’il ai repéré des véhicules suspects. La consigne circule, si ces véhicules viennent vers nous, et qu’il ne s’agit pas de l’armée, demi-tour immédiatement et nous devrons foutre le camp et ne nous arrêter sous aucun prétexte. Ambiance et le guide n’a pas le sourire !
Les véhicules inconnus disparaissent et nous tombons sur des cheminées de pierre d’un grand diamètre et hautes de 2 mètres, résultat de l’expulsion d’un magma en provenance des entrailles de la terre.

Jean-Michel et Francis les géologues donneront des explications plus scientifiques que je n’ai pas retenues. Néanmoins, quelques silex taillés témoignent de l’occupation du site par les hommes du néolithique. Les spécimens que nous trouvons sont les déchets de la production de bifaces, comme les boites de conserves rouillées témoins d’une occupation plus récente. Quelques traces de serpent sur le sable incitent à la prudence et inspirent aux guides la perspective d’une chasse et pourquoi pas d’un bon repas.

Nous repartons cap au 155 en direction de l’arlésienne, le DH 104. Le paysage change et nous roulons au milieu de petites buttes de pierre sur un sol caillouteux. Ayant anticipé le changement de terrain, nous regonflons les pneus à 2 kilos. La voiture des guides, n’ayant pas de compresseur, dévisse une bougie et utilise les gaz de compression du moteur. Si le pneu pète, cela risque avec les vapeurs d’essence dans le pneu de déclencher un joli feu d’artifice.

La voiture de Jean-Georges, choisit cet instant pour tomber en panne de démarreur, sans doute sous l’effet de la chaleur. Franck se glisse sous la voiture et met en contact direct un fil de cuivre entre la batterie et le
démarreur. Contact, la voiture démarre au quart de tour.

Nous repartons et bivouaquons, encore à 100 km du DH 104, que nous devrions atteindre demain. Le bivouac se situe dans une cuvette pour échapper aux visites inopportunes.
Le terrain un peu caillouteux est déblayé avant de poser les tentes. La température est douce et il n’y a pas un souffle de vent. La navigation en fin de journée s’est faite avec les cartes satellites d’une précision hallucinante. La moindre butte est visible ainsi que la plus petite ondulation de sable. Les cartes russes sont aussi remarquablement fiables, seuls les caractères en cyrilliques sont incompréhensibles et donnent l’impression que nous nous sommes égarés jusque dans les profondeurs de l’Oural.
Une très bonne journée, clôturée par un confit de canard, pommes sarladaises arrosé d’un côte de Provence, entre autres boissons fortes. Nous sommes loin, très loin de l'ascétisme du désert prôné par des anachorètes comme Théodore Monod. Au nom de quoi faudrait il vivre comme des fakirs sous prétexte que nous sommes dans le désert ?
Demain, réveil 6 heures as usual.

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