Je dédie ce blog et ses 20.000 pages vues, à Jean-Mathieu Boris, survivant (j'emploie le terme à dessein) de Bir-Hakeim, 91 ans en ce moment et aspirant artilleur à l'époque.
Heureusement qu'il y en avait quelques-uns comme lui.
Je viens d'achever la lecture de ses souvenirs, enfin rédigés et publiés après 70 ans. C'est émouvant, drôle, grave mais trop court, on en voudrait beaucoup plus.
Aspirant Boris, si vos souvenirs vous hantent, vos lecteurs attendent la version longue.
Les passages sur Bir-Hacheim (cela s'écrit comme cela chez les vétérans) prennent une autre résonance lorsque l'on a visité ce champs de bataille. Le terrain est plat comme l'océan, seul le vieux fort turc émerge. Il s'agit en fait d'une bicoques en pierres sèches et décorée d'impacts d'obus.
Au pied sud du fort, une construction mystérieuse en pierre sèche, en forme d'hexagone aplati, 500 mètres dans son plus grand côté, forme une enceinte dont l'usage m'échappe.
Les retranchements sont encore très visibles, sur lesquels viennent s'accrocher des barbelés rouillés et des dizaines de bidons de 2 gallons percés d'impacts et en décomposition car l'air marin porte jusque là.
Tobrouk, petit port sinistre mais enjeu de tous les combats est proche.
Ces retranchements pour certains font 80 cm de large et offrent une impression de sécurité au combattant qui devait se faire poignée de sable pendant les bombardements ininterrompus, d'autant qu'aucun point de repère ne vient accrocher l'oeil.
Les réflexions de Jean-Mathieu sur ses origines juives apportent un éclairage sur le sens de son combat mais libre au lecteur de l'interpréter, l'aspirant Boris restant pudique sur le sujet.
Jean-Mathieu est retourné à Bir-Hacheim, en juin 2012, 70 ans plus tard. Le film commémoratif, passé sur France 3, le montre au milieu du cimetière de Tobrouk, appelant un proche par téléphone : "Je suis au milieu de mes camarades...".
Je cite, sans copyright, le résumé d'un éminent journaliste de Marianne.
Article Jean Dominique Merchet. Marianne, cité in extenso.
Jean-Mathieu Boris, témoignage d'un Français libre
La guerre de Bir-Hacheim aux Vosges en compagnie d'un jeune homme.
C'est l'histoire d'un jeune homme : il a dix-huit ans lorsque la guerre est déclarée, en 1939. Issu de la bourgeoisie juive et patriote, préparant Polytechnique, il s'intéresse aux filles, surtout anglaises. En juin 40, il n'hésite pas une seconde, embarque sur un cargo à Saint-Jean-de Luz en se faisant passer pour un soldat britannique et se retrouve à Londres le 25 juin - sans jamais avoir entendu parler du général De Gaulle.
Jean-Mathieu Boris s'engage aussitôt dans la France Libre, mais comme il est jeune et brillant, on l'envoie se former comme officier. Il reste en Angleterre un an et demi, durant le blitz, puis après un long tour de l'Afrique, arrive au Liban, fin 1941. Aspirant dans un régiment d'artillerie, il est aussitôt envoyé dans le désert libyen. C'est là qu'il participe à la bataille de Bir Hacheim, en mai-juin 42.
Jean-Mathieu Boris raconte cette bataille avec le style qui lui est propre et qui fait de ses Mémoires un grand bonheur de lecture : à hauteur d'hommes, avec humour et une émotion réelle mais contenue.
Il est ensuite présent à El-Alamein puis durant la campagne de Tunisie. En Algérie, l'artilleur devient commando : il sera le premier officier du "Commando de France" de d'Astier de la Vigerie, rattaché à la Brigade de Choc. Avec son unité, il participe aux combats dans le sud des Vosges, durant l'hiver 44-45. Autant le récit de Bir Hacheim est enlevé, presque gai malgré l'horreur, autant celui des Vosges est noir, dur, terrible. Affecté en état-major, il participe à la campagne d'Allemagne avant d'être démobilisé en novembre 1945.
Jean-Mathieu Boris a aujourd'hui 91 ans - et il a attendu tout ce temps pour raconter sa guerre, en s'appuyant sur son journal de l'époque. Le livre fourmille d'anecdotes, sur un ton picaresque. Pas de grandes envolées stratégiques ou politiques, quelques réflexions sur la spiritualité. Un beau livre, très facile d'accès. Il est préfacé par le grand historien (et lui même ancien) de la France Libre,